Bibliothèque de droit privé - Tome 640 - Les sources du droit des sociétés - 445

LA RECONNAISSANCE DES INSTRUMENTS NORMATIFS INNOMMÉS
445
elles n'auraient eu aucun caractère impératif. Sans la règle-relais, sans le code de la
santé publique, les recommandations de la Haute autorité ne seraient pas impératives.
En conséquence, l'analyse du Conseil d'État ne porte plus ici ni sur le contenu ni
sur le pouvoir de l'émetteur de la recommandation, mais uniquement sur son effet
contraignant. C'était déjà cet effet qui était recherché au sein de l'arrêt Duvignères,
mais celui-ci reposait alors justement sur le contenu de l'acte et sur l'autorité de son
auteur. C'était bien l'analyse de l'acte en lui-même qui permettait de déterminer son
effet impératif et donc son caractère impératif. Dans l'arrêt de 2011, la première étape
du raisonnement est supprimée. Le Conseil d'État constate directement l'effet produit
par l'acte29.Ce n'est plus l'acte en lui-même qui détermine son effet mais l'environnement
juridique dans lequel il s'insère30. Par cette décision, le Conseil d'État admet
donc le contrôle d'un instrument normatif innommé ayant un effet impératif indirect.
382. Avis du CCRCS. - En faisant évoluer sa jurisprudence, le Conseil d'État a
étendu le contrôle de légalité d'abord aux circulaires puis à divers instruments normatifs
innommés dotés directement ou indirectement d'un effet impératif31. À notre sens,
cette jurisprudence aurait pu permettre de déclarer recevables les recours pour excès
de pouvoir contre les avis du CCRCS. Ces derniers auraient pu en effet être assimilés
aux circulaires interprétatives impératives.
Tout d'abord, le CCRCS était une commission administrative à caractère consultatif
dont les règles de fonctionnement sont prévues par le code des relations entre le
public et l'administration32. À ce titre, les actes qu'il émettait sont présumés de nature
administrative33. Le Conseil d'État est donc, en principe, compétent pour les contrôler.
Par ailleurs, à la suite de la jurisprudence Duvignères,l'acte litigieux ne doit pas
nécessairement être la traduction d'un pouvoir réglementaire pour être susceptible de
faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir34.
Ensuite, les avis rendus par le CCRCS remplissaient une fonction très similaire
aux circulaires prises par un chef de service. À ce titre, ils auraient pu y être assimilés.
Les circulaires sont, en effet, le plus souvent définies comme étant l'instrument permettant
à un chef de service d'indiquer à ses agents les modalités d'exercice de leurs
29. S. VON COESTER, « Conclusions du rapporteur public sur l'arrêt du Conseil d'État du 21 mars
2016, Fairvesta », RFDA 2016. 497, relevant que le Conseil d'État, concernant cet arrêt, « se borne à constater
que la recommandation est bien susceptible de produire des effets juridiques pour les professionnels
de santé ».
30. Il est évident que tout acte ou fait ne produit un effet juridique que parce qu'il s'insère dans un
environnement juridique, plus précisément un ordre juridique. On vise ici à souligner le fait qu'au sein de
cet ordre juridique existant, l'acte en lui-même ne produit pas d'effet impératif. Cet effet impératif ne se
produit que par l'adjonction d'une autre règle de droit. C'est cette autre règle de droit, que l'on peut nommer
« règle-relais », que l'on vise ici comme étant l'environnement juridique de la recommandation.
31. Nous verrons ensuite qu'il a également étendu ce contrôle à certains des actes émis par les autorités
de régulation, v. infra nº 384 et s.
32. Art. R. 133-1 du code des relations entre le public et l'administration.
33. B. SEILLER, « Acte administratif», Rép. cont. admi. Dalloz, avril 2019, nº 74 et s.
34. En tant que commission administrative à caractère consultatif, le CCRCS avait vocation à rendre
des avis sur des projets de texte ou de décision (Art. R. 133-1 du code des relations entre le public et l'administration).
Il pouvait également proposer la modification des dispositions législatives et réglementaires
entrant dans son champ de compétence (Anc. art. A. 123-36 du Code de commerce). Enfin, il avait aussi
pour mission de veiller à l'harmonisation des dispositions portant sur le registre du commerce et des sociétés
(Anc. art. R. 123-81 du Code de commerce). Le CCRCS ne disposait donc pas d'un pouvoir réglementaire.

Bibliothèque de droit privé - Tome 640 - Les sources du droit des sociétés

Table des matières de la publication Bibliothèque de droit privé - Tome 640 - Les sources du droit des sociétés