Bibliothèque de droit privé - Tome 640 - Les sources du droit des sociétés - 460

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LES SOURCES DU DROIT DES SOCIÉTÉS
droit souple serait composé d'instruments répondant à trois conditions cumulatives94 :
avoir «pour objet de modifier ou orienter les comportements de leurs destinataires »;
ne pas créer «par eux-mêmes de droits ou obligations pour leurs destinataires » ; présenter
«par leur contenu et leur mode d'élaboration, un degré deformalisation et de
structuration qui les apparente aux règles de droit ». Certains ont alors considéré que
les actes contrôlés dans le cadre des décisions Fairvesta et Numericable répondaient à
ces critères95. Au contraire, le Professeur P. Deumier a souligné un certain décalage
entre cette définition et celle mise en œuvre au sein des arrêts étudiés, notamment
concernant le critère de la formalisation96.
À notre sens, ces analyses sont erronées en ce que les actes de droit souple visés
par le Conseil d'État dans son étude de 2013 ne comprenaient pas les actes contre
lesquels le recours pour excès de pouvoir a été déclaré recevable en 2016. Tout
d'abord, dans son étude sur le droit souple, le Conseil d'État commence par apprécier
l'ampleur du phénomène en énumérant les actes qu'il considère comme relevant de
celui-ci. Or, tous les actes donnés à titre d'exemple par le Conseil d'État contiennent,
contrairement aux actes contrôlés dans les arrêts Fairvesta et Numericable, des règles
de conduite de portée générale. Le Conseil d'État fait notamment référence à la
Déclaration universelle des droits de l'homme97,à l'accord interinstitutionnel
« Mieux légiférer » mis en place entre les institutions de l'Union européenne98 ou
encore, en droit interne99, aux instructions et recommandations de l'AMF, aux recommandations
du Défenseur des droits et de la Haute autorité de santé, aux lignes directrices
de l'Autorité de la concurrence, aux normes techniques... Ensuite, dans la définition
adoptée par le Conseil d'État, le premier critère évoqué est l'objet de l'acte, qui
doit être de modifier ou d'orienter les comportements de ses destinataires100. Il ressort
de ce critère que l'acte qui aurait exclusivement pour effet et non pour objet d'orienter
94. Ibid.,p. 9.
95. L. DUTHEILLET DELAMOTHE et G. ODINET, « Un recours souple pour le droit souple », AJDA 2016.
717 : « La seconde catégorie d'actes susceptibles de recours recouvre ceux qui " sont de nature à produire
des effets notables, notamment de nature économique, ou ont pour objet d'influer de manière significative
sur les comportements des personnes auxquelles ils s'adressent " . On reconnaîtra, à travers le second de ces
critères, un élément de la définition même du droit souple. Derrière cette formulation, se retrouvent en
réalité les trois éléments de la définition posée par le Conseil d'État : par définition, les actes dont il
s'agit ne créent ni droit ni obligation ; quant au degré de formalisation et de structuration qui emprunte
aux techniques du droit, il est très variable et transparaît discrètement derrière l'expression " ont pour
objet " , qui pointe ce qui a été conçu par l'autorité comme un instrument de sa régulation au moyen du
droit souple » ; O. FOUQUET, « Le droit souple : quel avenir fiscal ? », Droitfiscal nº 17, 28 avril 2016, 297 :
« Ces trois critères [relevés par le Conseil d'État dans son étude] sontprésents dans les décisions d'Assemblée
du 21 mars 2016, mais le troisième critère [orientation des comportements] y pèse plus lourd que le
deuxième [formalisation] » ; S. VON COESTER et V. DAUMAS, « Le Conseil d'État accepte de se saisir d'actes
de « droit souple » », Droit administratifnº 4, avril 2016, comm. 30 qui reprennent la définition du Conseil
d'État : « Le " droit souple " , ce sont des instruments qui s'apparentent aux règles, en ce qu'ils ont pour
objet de modifier ou d'orienter les comportements de leurs destinataires, mais sans créer par eux-mêmes
de droits ou d'obligations ».
96. P. DEUMIER, « Quand le droit souple rencontre le juge dur », RTD Civ. 2016. 571 : « Le critère [de
la formalisation], non dénué d'intérêt scientifique, concorde cependant mal avec nombre de normes souples,
comme l'illustre l'un des communiqués de l'AMF objet de l'arrêt Fairvesta International (AMF,
21juillet 2011). [...]. On comprendra dès lors que les arrêts du Conseil d'État ne reprennent pas le critère
de la formalisation ».
97. Étude annuelle 2013 du Conseil d'État, Le droit souple, La documentation française, 2013, p. 25.
98. Ibid., p. 29.
99. Ibid.,p. 36 et s.
100. Souligné par nos soins.

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