Bibliothèque de droit privé - Tome 640 - Les sources du droit des sociétés - 64

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LES SOURCES DU DROIT DES SOCIÉTÉS
de l'enseignement70, le principe d'unité de la famille71, etc. Enfin, il peut être souligné
que dès lors que la Cour de cassation a admis que le juge judiciaire était compétent
pour contrôler la conventionalité des lois72, les juges ont acquis le pouvoir de
faire échec à la loi, finalement, a-t-on pu écrire, d'« abroger la loi aux lieu etplace du
législateur »73.
Cette vision pragmatique s'accorde avec celle développée par la Cour européenne
des droits de l'Homme (CEDH) qui, depuis ses arrêts Sunday Times74
et
Kruslin75, adopte une définition matérielle de la loi, c'est-à-dire se rapprochant de la
notion de règle de droit76. Se prononçant sur l'interprétation à donner à l'article 10-2
de la Convention77 lequel prévoit que la liberté d'expression peut être soumise à certaines
restrictions, à condition entre autres, que celles-ci soient «prévues par la loi »,
cette approche lui permet de considérer que la restriction sera considérée comme étant
prévue par la loi dès lors que deux critères seront remplis : il est nécessaire que la
règle soit suffisamment accessible et que celle-ci soit suffisamment précise pour permettre
à un justiciable de déterminer quelles pourront être les conséquences de ses
actes78. La CEDH peut ainsi s'appuyer sur la jurisprudence pour considérer que « l'ingérence
dans l'exercice de la liberté d'expression des requérants était donc prévue
LAGRANGE.
71. CE ass., 2 décembre 1994, nº 112842, Mme
70. CE ass., 7janvier 1942, UNAPEL, Lebon 2 ; CE, 27 avril 1945, Lauliac, D. 1945. 282, concl.
Agyepong, RFDA 1995. 86, DENIS-LINTON (M.) ; AJDA
1994. 878, TOUVET (L.) et STAHL (J.-H.)
72. Cass., ch. mixte, 24 mai 1975, nº 73-13556, Jacques Vabre,H. CAPITANT,F. TERRE et Y. LEQUETTE,
Les grands arrêts de la jurisprudence civile, t.1, 13e éd., Dalloz, 2015, nº 4, p. 34 et s.
73. P. CATALA, « Turbulences dans les sources du droit » in Mouvements du droit contemporain :
mélanges offerts au Professeur Sassi Ben Halima, p. 79, spéc. nº 10.
74. CEDH, 26 avril 1979, Aff. Sunday Times c. Royaume-Uni.
75. CEDH, 24 avril 1990, Aff. Kruslin c. France ;F. SUDRE et alii, GACEDH,6e
éd., PUF, 2015, nº 5,
p. 53. Le Gouvernement français considérait ici que le terme « loi » dans l'expression « prévue par la loi »
devait s'entendre comme « droit en vigueur dans un système juridique donné » et ainsi regrouper tant le
droit écrit que la jurisprudence (cons. nº 28). Au contraire le délégué de la Commission estimait que la
jurisprudence Sunday Times ne pouvait s'appliquer qu'aux seuls pays de Common law et qu'ainsi dans
les pays continentaux tels que la France « seul un texte normatifde portée générale - voté ou non par le
Parlement - peut s'analyser en une loi » (cons. nº 29).
76. Le terme « loi » n'est toutefois pas toujours interprété de la même façon par la Cour européenne
des droits de l'homme. En effet, pour interpréter d'autres articles de la Convention, la Cour retient, au
contraire, une définition formelle de la loi. Ainsi, lorsqu'elle interprète les termes de « tribunal établi par
la loi » énoncés à l'article 6-1 de la Convention (« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue
équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi
par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bienfondé
de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle »), la Cour retient la notion de loi comme
étant l'acte voté par le Parlement. La Cour refuse ainsi que l'organisation du système judiciaire soit laissée
aux mains du pouvoir exécutif ou encore à la discrétion du pouvoir judiciaire. CEDH, 22juin 2000, Aff.
Coëme c. Belgique, § 98,P. DEUMIER, « La réception de la conception européenne de la jurisprudence »,
RTD Civ. 2015. 575 ; F. SUDRE et alii, ouvr. préc., 2015, p. 56.
77. C'est le cas dans l'arrêt Sunday Times, dans l'arrêt Kruslin, la CEDH se prononce sur l'article 8-2
de la Convention lequel porte sur le respect de la vie privée et familiale.
78. CEDH, arrêt. préc., cons. nº 49 : « Ilfaut d'abord que la " loi " soit suffisamment accessible : le
citoyen doit pouvoir disposer de renseignements suffisants, dans les circonstances de la cause, sur les normesjuridiques
applicables à un cas donné. En second lieu, on ne peut considérer comme une " loi " qu'une
norme énoncée avec assez de précision pourpermettre au citoyen de régler sa conduite ; en s'entourant au
besoin de conseils éclairés, il doit être mis à même de prévoir, à un degré raisonnable dans les circonstances
de la cause, les conséquences de nature à dériver d'un acte déterminé. Elles n'ontpas besoin d'être
prévisibles avec une certitude absolue : l'expérience la révèle hors d'atteinte. En outre la certitude, bien
que hautement souhaitable, s'accompagne parfois d'une rigidité excessive ; or le droit doit savoir
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