Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 168 - La préférence locale en droit public français - 254

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LA PRÉFÉRENCE LOCALE EN DROIT PUBLIC FRANÇAIS
synonyme d'une liberté totale de choix et d'édiction de critères non prévus par la loi.
Le juge administratif condamne l'exercice d'un pouvoir normatif autonome local qui
serait intervenu sans la médiation du législateur.
677. En définitive, si la collectivité territoriale possède un pouvoir normatif,
celui-ci ne peut être initial - c'est-à-dire trouvant les conditions de son exercice directement
dans la Constitution. Elle ne peut pas bénéficier d'un pouvoir de libre réglementation
de portée générale permettant d'édicter des règles de préférence locale. Le
pouvoir normatif des collectivités territoriales est un pouvoir normatif secondaire qui
suppose l'intervention du législateur dans l'édiction de la règle de faveur.
2. La nécessaire médiation du pouvoir normatifinitial
678. La nécessaire interpositio du pouvoir normatif initial dans l'exercice du
pouvoir normatif local emporte plusieurs conséquences à l'égard de la préférence
locale. D'une part, cette médiation implique d'identifier le titulaire du pouvoir normatif
initial. Lui seul serait compétent pour édicter la règle de préférence locale. D'autre
part, cette médiation suppose d'interroger la profondeur de l'exercice du pouvoir normatif
initial : la règle de préférence locale est-elle, ou non, une règle de « détail »,
c'est-à-dire de mise en œuvre ou de « principe », c'est-à-dire de mise en cause216 ?
Enfin, la règle de préférence locale implique une territorialisation de la loi, c'est-àdire
une loi qui n'a pour objet que de régir les rapports sociaux sur une partie du
territoire national.
679. Au sein de la République indivisible, le titulaire du pouvoir normatif initial ne
peut être que217 le législateur218.Même si l'article 6 de la DDHC dispose que la loi doit
être la même pour tous, jamais la pratique législative n'a été censurée pour avoir territorialisé
la norme219. La loi peut posséder un champ d'application territorialement limité220
216. La distinction mise en cause et mise en œuvre a été systématisée par la doctrine pour délimiter le
partage de compétences entre le pouvoir législatif et réglementaire : TURPIN (D.), Contentieux constitutionnel,
PUF, 1994, p. 37 s. Elle trouve un écho dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel :
Cons. const., décision nº 59-1 L du 27 novembre 1959, Naturejuridique de l'article 2, alinéa 3 de l'ordonnance
nº59-151 du 7janvier 1959 relative à l'organisation des transports de voyageurs dans la région
parisienne ; JORF du 14janvier 1960, p. 442 ; Rec. p. 67 ; Cons. const., décision nº 88-157 L du 10 mai
1988, Nature juridique de dispositions du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ; JORF
du 15 mai 1988, p. 7134 ; Rec. p. 56. Lorsque les occurrences « mise en cause » et « mise en œuvre » seront
en italiques, elles feront référence à ce partage de compétences.
217. Voir notamment : Cons. const., décision nº 2001-454 DC du 17janvier 2002, Loi relative à la
Corse ; JORF du 23janvier 2002, p. 1526 ; Rec. p. 70 ; note J.-B. Auby, DA, 2002, p. 3 ; note B. Faure,
RFDA, 2002, p. 469 ; note F. Lemaire, RRJ, 2002, p. 1761 ; note F. Luchaire, RDP, 2002, p. 885 ; note
J.-E. Schoettl, AJDA, 2002, p. 100 ; note M. Verpeaux, RFDA, 2002, p. 459 ; note X. Magnon, D., 2003,
p. 1124.
218. CARRE DEMALBERG (R.), Contribution à la théorie générale du droit, Tome 1, Sirey, 1920,
rééd. CNRS, 1962, p. 363 : « la loi se caractérise, non pas par la nature spéciale de son objet, mais par la
puissance d'initiative qui n'appartient qu'à elle. (...) la loi au contraire est faite en vertu du pouvoir propre
du législateur, en sens que le législateur n'a besoin d'être habilité par aucun texte pour prendre une mesure
quelconque : il possède à cet égard un pouvoir général, qu'il tient de la Constitution même. En ce sens, la
loi a un caractère initial ».
219. MELIN-SOUCRAMANIEN (F.), « Les adaptations du principe d'égalité... », op. cit.
220. Cons. const., décision nº 82-138 DC du 25 février 1982, Loi portant statut particulier de Corse ;
JORF du 27 février 1982, p. 697 ; Rec. p. 41 ; note L. Favoreu, RDP, 1982, p. 1259 ; Cons. const., décision
nº 94-359 DC du 19janvier 1995, Loi relative à la diversité de l'habitat ; JORF du 21janvier 1995,
p. 1166 ; Rec. p. 176 ; note P. Gaïa, RFDC, 1995, p. 582 ; note H. Pauliat, D., 1995, p. 283.
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