Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 168 - La préférence locale en droit public français - 350

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LA PRÉFÉRENCE LOCALE EN DROIT PUBLIC FRANÇAIS
B. LE RISQUE DE REPRÉSAILLES NON ÉCARTÉ
897. Qu'il s'agisse de faire valoir son droit à la préférence locale ou, au
contraire, son droit à la non-discrimination, et même en cas de succès, le risque de
représailles ne peut être écarté204. Cette perspective peut conduire à un non-recours
aux droits205. Pour prévenir ce phénomène, le rôle des autorités gardiennes de la légalité
républicaine206 est déterminant. À l'attitude activiste du « gardien territorial » (1),
doit être opposé le rôle passif du « gardien universitaire » (2), au niveau local.
1. Un gardien territorial de la légalité actif
898. Aux termes de l'alinéa 5 de l'article 72 de la Constitution, il revient, au
niveau local, au « représentant de l'État », de garantir le respect des lois et le contrôle
administratif sur les actes des collectivités territoriales207. Historiquement, le représentant
de l'État, au niveau territorial, est le préfet. Il est chargé de garantir l'application
uniforme de la législation208 et le respect de la légalité républicaine. Pour ce faire,
un pouvoir de tutelle lui était accordé209, jusqu'à la loi de 1982210. Désormais, le
préfet ne peut plus annuler un acte des collectivités locales. Il ne peut que contester
leur légalité devant le juge administratif par le déféré préfectoral211. En vertu du
déféré préfectoral, assortie d'une demande de suspension, toutes règles de préférences
locales ou exogènes pourraient ne jamais produire leurs effets, suivant la vigilance du
représentant de l'État. Cette attitude pro-active exonèrerait le justiciable d'une action
contentieuse, coûteuse et risquée. Cette volonté de protéger le justiciable est telle, que
le CGCT envisage un déféré sur demande. Le tiers lésé peut demander au représentant
204. DUBOUT (E.), L'article 13 du traité CE..., op. cit., p. 629 : « outre la difficulté de la preuve, la
seconde raison qui dissuade souvent les victimes de discrimination d'exercer une action en justice est la
crainte qu'après le procès leur situation ne soit pas améliorée, voire même qu'elle soit aggravée ».
205. Par exemple : Conseil de l'Union européenne, directive nº 2000/43/CE du 29juin 2000 relative
à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou
d'origine ethnique, point 20 : « La mise en œuvre effective du principe d'égalité requiert une protection
judiciaire adéquate contre les rétorsions » ; article 9 : « Les États membres introduisent dans leur système
juridique interne les mesures nécessaires pour protéger les personnes contre tout traitement ou toute
conséquence défavorable en réaction à une plainte ou à une action en justice visant à faire respecter le
principe de l'égalité de traitement ». Voir également : CJCE, 22 septembre 1998, Belinda Jane Coot, aff. C185/97
; Rec. p. I -5199 ; pt. 24.
206. Déjà en 1993, le Conseil d'État appelait à la vigilance les autorités gardiennes de la légalité à
propos du développement de la préférence locale pour l'accès aux services publics locaux administratifs et
facultatifs. Conseil d'État, Décentralisation et ordre juridique, op. cit., p. 87 : « À tout le moins conviendrait-il
d'appeler formellement sur ces difficultés l'attention des responsables du contrôle de légalité, de
manière à ce qu'ils soient vigilants, développent conjointement une action négociée, et dans toute la mesure
où cela est possible, une action en termes de contrôle de légalité (...) ».
207. « Dans les collectivités territoriales de la République, le représentant de l'État, représentant de
chacun des membres du gouvernement, à la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratifet du
respect des lois ».
208. Depuis le décret nº 2020-412 du 8 avril 2020 relatif au droit de dérogation reconnu au préfet, le
préfet ne constitue plus, nécessairement, un garant de l'uniformité de la législation républicaine. Voir en ce
sens : PERROUD (T.), « Une nouvelle illustration de la légalité néolibérale : le pouvoir de dérogation des
préfets », D., p. 2356.
209. REGOURD (S.), L'acte de tutelle en droit administratiffrançais, LGDJ, 1982.
210. Loi nº 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et
des régions.
211. Voir l'article L. 2131-6 du CGCT.
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