Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 168 - La préférence locale en droit public français - 358

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LA PRÉFÉRENCE LOCALE EN DROIT PUBLIC FRANÇAIS
B. LES RESSORTS INEXPLOITÉS
913. Le juge reste lié, saufmoyens d'ordres publics, par les écritures des parties.
De fait, il revient aux justiciables, à l'encontre de pratiques exogènes ou localistes, de
recourir aux outils du droit de la non-discrimination. Il peut s'agir du recours aux
statistiques (1) ou à la sanction pénale (2).
1. L'opportunité de l'outil statistique
914. « Le droit de la non-discrimination, pour être effectif, doit être organisé
autour de règles probatoires efficaces »260. Ce constat partagé par la doctrine261 a
conduit le droit positif à aménager un régime probatoire en deux temps262.D'abord,
il revient au requérant d'apporter des éléments susceptibles de faire présumer une
discrimination. Ensuite, au défendeur, il appartient de prouver que la mesure reposait
sur des éléments objectifs justifiés.
915. La difficulté pour le requérant réside dans l'apport de ce commencement
de preuve dès lors que la pratique localiste ou exogène illégitime se présente, généralement,
de manière neutre. De fait, l'outil statistique paraît être le mode de preuve le
plus pertinent afin de révéler l'existence de pratiques discriminatoires. En outre-mer
ou en Corse, la préférence locale s'entend d'un procédé réactif. Il s'agirait de lutter
contre une administration « accaparée par les métropolitains » au détriment des
« locaux ». Cette hypothèse de discrimination doit être prouvée. À l'inverse, lorsque
des pratiques localistes avérées conduisent, dans les faits, à discriminer un candidat
« non-local », faut-il encore apporter la preuve de cette pratique localiste. Dans ces
cas, l'outil statistique peut apparaître pertinent. Il s'agirait de prouver, par comparaison,
que telle ou telle institution, dans sa composition, révèle une proportion « anormale
» de local - dans le cas de pratiques localistes illégitimes - ou de non-local -
dans le cas de pratiques exogènes illégitimes.
916. Il importe, d'une part, de s'intéresser au principe même de l'acceptation ou
non du recours à l'outil statistique au sein du régime de la preuve de la discrimination.
D'autre part, il convient d'étudier le régime de la preuve statistique. Dès 1986, la
Cour de justice des Communautés européennes admet la possibilité de recourir à l'outil
statistique aux fins de présumer l'existence d'une pratique discriminatoire263.Ce
mode de commencement de preuve sera également retenu par la Cour européenne des
droits de l'Homme : « les statistiques qui (...) paraissent fiables et significatives suffisent
pour constituer le commencement de preuve à apporter par le requérant »264.La
260. MICHAUD (C.), « La preuve des discriminations en droit du travail », JCP S, 2012, chron. 12.
261. ICARD (P.) et LAIDIE (Y.) (dir.), Le principe de non-discrimination : l'analyse des discours,
Rapport final, CRESPO, p. 287 s.
262. Loi nº 2008-496 du 27 mai 2008, article 4 : « Toute personne qui s'estime victime d'une discrimination
directe ou indirecte présente devant lajuridiction compétente lesfaits qui permettent d'en présumer
l'existence. Au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que la mesure en
cause estjustifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination (...) ».
263. CJCE, 13 mai 1986, Bilka-Kaufhaus GmbH, aff. 170/84 ; Rec. p. I -607 ; note J. Mauro, Gazette
du Palais, 1986, p. 568 ; pt. 7.
264. CEDH, 13 novembre 2007, DH et autres c. République tchèque, req. nº 57325/00 ; note
E. Dubout, RTDH, 2008, p. 821 ; obs. J.-F. Flauss, AJDA, 2008, p. 1929 ; obs. H. Labayle et F. Sudre,
RFDA, 2008, p. 737 ; comm. F. Sudre, JCP, 2008, 14.
http://www.264.La
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