Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 168 - La préférence locale en droit public français - 391

LE RÉGIME FONDÉ SUR UNE HABILITATION CONSTITUTIONNELLE POSITIVE
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B. LES PRINCIPES DIRECTEURS DE LA PRÉFÉRENCE LOCALE
981. A priori, le régime de la préférence locale ne peut être duplicable. L'autonomie
de la Nouvelle-Calédonie n'est pas celle des COM-DA. De plus, les nécessités
locales qui justifient la mesure préférentielle supposent un régime sur-mesure suivant
les territoires. C'est là, toute l'idéologie du statut à la carte.
982. Le cadre posé par le législateur organique, en 1999, pour la Nouvelle-Calédonie
et, en 2004, pour la Polynésie française, révèle, pourtant, un mimétisme illustrant
le caractère duplicable du régime de la préférence locale. La Nouvelle-Calédonie
est le modèle et aura modelé146 l'architecture générale du régime de la préférence
locale dont s'inspire la Polynésie française. Sous contrôle du Conseil d'État, les principes
directeurs de la préférence locale dévoilent une conciliation constante entre principes
constitutionnels (1). De même, la définition des critères objectifs et rationnels,
quoique devant être en stricte relation avec la situation locale, reste similaire (2).
1. La résilience des principes républicains
983. La préférence locale pour l'accès aux emplois privés déroge à la liberté du
commerce et d'industrie - notamment à la liberté d'entreprendre147 - ainsi qu'au droit
pour tous d'obtenir un emploi conformément à l'alinéa 5 du Préambule de la Constitution
de 1946. La préférence locale pour l'accès aux emplois publics déroge, essentiellement,
à l'article 6 de la DDHC et spécifiquement au principe méritocratique. La
conciliation avec les principes républicains ne va, pourtant, pas de soi. Les révisions
constitutionnelles de 1998 ou 2003 visent à déroger à ces principes. La révision
constitutionnelle pourrait, en ce sens, être analysée comme une révision-abrogation
ou une révision-exclusion des principes républicains en Nouvelle-Calédonie ou dans
les COM-DA. Néanmoins, la préférence reste une dérogation qui a pour, seule, fonction
de mettre à l'écart d'autres règles sans pour autant les exclure ou les abroger148.
984. Conformément à la procédure prévue à l'article 100 de la loi organique de
1999, en 2005, un projet de loi relatif à la préférence locale pour l'accès aux emplois
publics, en Nouvelle-Calédonie, est soumis pour avis au Conseil d'État149. Celui-ci
énonce que l'habilitation conférée aux autorités locales doit se concilier avec le principe
d'égal accès aux emplois publics que le constituant n'a pas entendu exclure l'application.
Pourtant, l'article 24 de la loi organique de 1999 relatif à la préférence
locale n'envisage aucun critère méritocratique150. Il peut être considéré que la révision
constitutionnelle de 1998 et la loi organique de 1999 entendaient abroger implicitement,
en Nouvelle-Calédonie, le principe méritocratique issu de l'article 6 de la
DDHC. Cette interprétation peut résulter d'une analyse a contrario.L'article 18 de
146. VERPEAUX (M.), « Rapport de synthèse », in L'outre-mer français : un « modèle » pour la
République, op. cit., p. 163.
147. Cons. const., décision nº 2001-455 DC du 12janvier 2002 ; Loi de modernisation sociale ;
JORF du 18janvier 2002, p. 1053 ; Rec. p. 49 ; note G. Carcassonne, Droit social, 2002, p. 254 ; note
L. Gay, RFDC, 2002, p. 422 ; note T. Di Manno, AJDA, 2003, p. 820 ; note V. Lanisson, RFDC, 2002,
p. 439 ; note B. Mathieu, D., 2002, p. 1439 ; note X. Prétot, Droit social, 2002, p. 244 ; note D. Ribes,
RFDC, 2002, p. 608 ; note P. Cassia, AJDA, 2003, p. 825.
148. ROUYERE (A.), « La dérogation, modèle ambivalent de l'autonomie », in L'outre-mer : un
« modèle » pour la République, op. cit.,p. 11 s.
149. CE, 17 novembre 2005, avis nº 372237.
150. « De telles mesures sont appliquées dans les mêmes conditions à la fonction publique de la
Nouvelle-Calédonie et à lafonction publique communale ».
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