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PRÉCIS DE CULTURE JURIDIQUE
l'essentiel) écrivent sur le droit. Une revue connue de tous, le Recueil Dalloz, fut fondée
par Désiré Dalloz, qui était un avocat. Dans le domaine quasi réservé de la pratique notariale,
la production des notaires est certainement équivalente sinon supérieure à ceux des
enseignants.
On en veut pour preuve que les magistrats de la Cour de cassation publient souvent leurs
rapports (conseillers) ou leur avis (avocats généraux). Depuis quelques années, paraît une
chronique tenue chambre par chambre par des magistrats.
Aussi bien au Conseil d'État qu'à la Cour de cassation, le rapport annuel est une somme
qui fait autorité.
Mais demeure la question essentielle : à quoi sert la doctrine ? Question unique ; réponses
multiples.
La doctrine suscite, rectifie et ordonne. Ses objectifs sont donc très divers.
La doctrine peut susciter des réformes. Pas simplement en les « appelant de ses vœux ».
L'exemple le plus parfait de cela sont les « propositions » qui concluent chaque année le
congrès des notaires de France (lequel réunit entre 2 000 et 3 000 officiers publics). Ainsi la
loi de 1976 relative à l'indivision est pratiquement la mise en forme d'un congrès antérieur.
On peut regretter que les propositions faites par les rapports de la Cour de cassation ou
du Conseil d'État soient moins écoutées des pouvoirs publics.
S'agissant des universitaires, on assiste, modestement, à la reviviscence d'une méthode
(naguère obligatoire) dans les conclusions d'une thèse de doctorat : les positions et propositions
de thèse. L'auteur suggère, à la fin de sa thèse, plusieurs propositions. Elles sont
souvent intelligentes et fines, malheureusement les thèses sont mal connues en France.
La doctrine rectifie. On connaît la formule de Diderot au sujet du juge : « Un mauvais juge
peut déformer une bonne loi ; un bon juge peut améliorer une mauvaise ». On peut transposer
cela à un auteur de doctrine.
Il est parfois irritant de lire tel ou tel auteur qui, jouant les inspecteurs des travaux finis,
s'avise de rechercher toutes les malfaçons d'un nouveau texte. Mais n'est- il pas normal
qu'une loi soit imparfaite ? On a beaucoup exagéré une vue idyllique du Code civil : dès le
début, il était bancal dans son plan et peu réussi dans certains de ses articles.
Plutôt que de s'amuser à cela (car en fait il s'agit souvent d'un malin plaisir), le juriste
commentant un texte qui comporte des malfaçons doit en être, en quelque sorte, l'ostéopathe.
Il ne doit pas susciter une difficulté pour en faire un problème mais pour lui fournir
une solution. Le juriste est là pour cela.
Enfin, et c'est sans doute sa plus belle mission et la plus académique, la doctrine doit
« orchestrer » un texte nouveau avec le reste de la législation. Ce n'est pas au législateur
(qu'on accuse à tort de cela) de le faire, c'est bien à celui qui réfléchit et pense le droit de
s'occuper d'ordonner le droit positif. Ce fut la tâche impartie, jadis, aux professeurs royaux
de droit français. Elle demeure.
Pour le reste, il est compliqué de savoir le poids exact de la doctrine dans la mise en œuvre
des réformes législatives. Elle n'est pas négligeable sinon difficilement quantifiable. Par
exemple, les commissions des deux assemblées auditionnent souvent des juristes (professeurs
ou praticiens) lors des réformes envisagées. Les travaux de la doctrine sont souvent
cités dans les rapports des assemblées.
De même, il est très habituel que les rapporteurs devant la Cour de cassation ou devant
le Conseil d'État s'inspirent ou citent la doctrine. Bien entendu, les avocats font de même.
En réalité, il faut chasser de son esprit une vue tutélaire de la doctrine, comme il faut
combattre l'idée d'une main mise universitaire sur celle- ci.
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