Bibliothèque de droit privé - Tome 643 - La perfection du contrat - 127

APPROCHE SUBSTANTIELLE DE LA PERFECTION
127
Pour une telle finalité, ce type d'élément de perfection est un outil législatif certes
possible, mais certainement moins efficace que d'autres instruments. Dans cette
mesure, l'abandon à l'avocat de la protection de l'intérêt de l'époux dans le nouveau
divorce extrajudiciaire nous semble un heureux transfert de compétences. Pour s'assurer
qu'un époux a eu les moyens de défendre ses intérêts, un avocat chargé de rédiger
avec son client la convention de divorce nous paraît mieux placé qu'un juge
chargé de l'homologuer postérieurement. De même, pour confirmer son intérêt à
une rupture conventionnelle, il nous semble qu'un salarié sera bien avisé de ne
compter que sur sa faculté de rétractation plutôt que de s'en remettre à l'appréciation
d'une direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités.
D'autant que, pour s'assurer de l'intégrité du consentement du salarié, une artillerie
de mesures accompagne déjà la procédure de formation de la convention. Entretien(s)
préalable(s), faculté d'être assisté, contenu a minima de la convention, autant de
mesures spécialement dédiées à éclairer et affranchir la volonté du salarié pour le mettre
en mesure d'exercer son droit de rétractation avec discernement. Inversement, en
dehors de la vérification formelle du respect de chaque étape de la procédure373,on
voit mal comment l'autorité administrative pourra s'assurer plus avant de l'intégrité
du consentement du salarié374. Pour ce faire, il faudrait au moins qu'elle auditionne ce
dernier puis, le cas échéant, qu'elle prenne des mesures d'instruction, telle une
enquête sur les pratiques de l'employeur au sein de l'entreprise. Or, avec un délai
d'instruction réduit à quinze jours et non prorogeable, peut-on raisonnablement attendre
des directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités
qu'elles mènent une telle instruction ? En bornant ainsi le délai d'instruction et en
déclarant l'homologation tacitement acquise à l'issue de ce délai375, le législateur
n'a-t-il pas, dès l'origine, condamné un examen approfondi des consentements376 ?
Compte tenu de l'ensemble des garanties précédant l'homologation, un tel sacrifice
pourrait du reste s'entendre. Il serait cependant préférable de l'inscrire explicitement
dans la loi, plutôt que de faire accroire au salarié un contrôle approfondi de son
consentement. Une telle circonscription serait d'autant plus profitable que les directions
régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités pourraient
ainsi mieux contribuer à protéger d'autres intérêts.
dans la logique du partage et dans le fil de sa réflexion, celui-ci n'aurait pas manqué de prévoir une telle
répartition. Mais, ayant sous les yeux une convention prête à l'homologation et ayant apparemment réglé le
sort du logement principal, le juge aura certainement perdu une chance de se souvenir que l'organisation
conventionnelle n'était que temporaire et donc nécessairement incomplète.
373. Facilitée, depuis le 1er
avril 2022, par la transmission dématérialisée obligatoire, via le service
TéléRC, des demandes de rupture conventionnelle.
374. Pourtant la loi dit exactement que « l'autorité administrative dispose d'un délai d'instruction de
quinze jours ouvrables (...) pour s'assurer du respect des conditions prévues à la présente section et de la
liberté de consentement des parties » (art. L. 1237-14 du Code du travail), sous-entendant ainsi qu'elle doit
se livrer à un contrôle plus approfondi que la vérification formelle du respect des formalités de la procédure.
375.
V. art. L. 1237-14 du Code du travail. S'en tenant à la lettre du texte, la Cour de cassation est, en
outre, venue rappeler qu'il est nécessaire que la décision de refus d'homologation soit notifiée aux contractants
dans le délai de quinze jours. La rédaction de la lettre de refus dans ce délai n'est donc pas suffisante
si elle n'a pas également été notifiée dans les quinze jours. V. Cass. soc., 16 décembre 2015, nº 13-27212,
PB ; D. 2016, 807, obs. P. Lokiec ; Les Cahiers Sociaux 2016, nº 282, p. 80, obs. J. Icard.
376. Exprimant également des inquiétudes, V. par ex. LOKIEC (P.), « Ruptures conventionnelles »,
Répertoire de droit du travail, Dalloz, 2020, act. 2022, spéc. nº 97.

Bibliothèque de droit privé - Tome 643 - La perfection du contrat

Table des matières de la publication Bibliothèque de droit privé - Tome 643 - La perfection du contrat