Bibliothèque de droit privé - Tome 646 - Les droits finalisés dans le contrat - 120

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LES DROITS FINALISÉS DANS LE CONTRAT
atteinte à la liberté individuelle et à la sécurité commerciale, admettre à la légère
qu'un commerçant puisse être responsable pour n'avoir pas donné suite à des
pourparlers »101.
118. Conclusion de la section. - Si l'usage d'une liberté constitue une source
potentielle de responsabilité pour son auteur, cette éventualité ne signifie pas qu'une
telle prérogative possède un caractère finalisé. En effet, le contrôle judiciaire des libertés
n'est pas celui des motifs du contractant mais des circonstances entourant sa mise
en œuvre. Dit autrement, l'exercice d'une liberté produit un effet justificatif s'agissant
des finalités poursuivies par son titulaire, un tel effet ne se retrouvant pas en ce qui
concerne la manière dont la liberté est utilisée102. Les raisons de mise en œuvre d'une
liberté échappent à toute sanction judiciaire, à défaut de quoi il ne s'agirait plus d'une
liberté, prérogative inconditionnée et aux contours imprécis, mais d'un véritable droit
subjectif. Par conséquent, les droits finalisés ne peuvent qu'être exclusifs des libertés
dont disposent les contractants. Ces derniers ne devraient avoir à justifier d'aucun
motif particulier lorsqu'ils exercent les libertés qui leur sont reconnues. Tant la définition
théorique des libertés civiles que le contrôle judiciaire de leur usage s'opposent
à la réalité d'une liberté « finalisée ». Reconnaître un tel caractère finalisé aux libertés,
en ce sens que les contractants qui en usent ne seraient légitimes à le faire que pour
certains motifs concrets, conduirait inéluctablement à une négation de ces prérogatives
en tant que libertés103. Exiger que l'usage d'une liberté se fonde sur de justes
motifs revient en effet à l'extraire du champ des libertés pour l'incorporer à celui
des droits définis, seuls susceptibles de constituer des prérogatives finalisées. Dès
lors, le développement du contrôle des motifs de prérogatives traditionnellement envisagées
comme des libertés témoigne d'une restriction du domaine des libertés et non
d'une soumission de ces mêmes libertés à un contrôle judiciaire des motifs de leur
usage. Les libertés n'ayant pas de caractère finalisé, seuls les droits subjectifs peuvent
revêtir une telle caractéristique. Pour autant, tous les droits définis ne constituent pas
des droits finalisés au sens de la présente étude.
SECTION 2
L'EXCLUSION PARTIELLE DES DROITS SUBJECTIFS
119. Conception classique des droits discrétionnaires. - Classiquement,
reçoivent le qualificatif de discrétionnaire les droits soustraits au contrôle de l'abus
de droit, et ce quand bien même leur exercice serait exclusivement dicté par une
101. CA Pau, 14janv. 1969 : D. 1969, p. 716.
102. V. en ce sens, A. PONSARD et N. DEJEAN de la BÂTIE, Droit civil français,7e
éd., t. VI, Librairies
techniques, 1975, nº 371. Ces auteurs effectuent une distinction, à propos de l'usage d'une liberté, entre le
projet exécuté, insusceptible de reproches, et la manière dont les titulaires d'une telle liberté se comportent,
source potentielle de responsabilité.
103. En ce sens, P. STOFFEL-MUNCK, L'abus dans le contrat, Essai d'une théorie, op. cit., nº 553,
p. 415 : « [...] assigner à la liberté un but précis à poursuivre, c'est donc la supprimer ». Rappr.
C. LARROUMET et S. BROS, Les obligations, Le contrat,10e
éd., Economica, 2021, nº 158, p. 140 : « [...] la
prohibition de l'engagement perpétuel, comme la reconnaissance du droit de résiliation unilatérale supposent
que cette faculté puisse être exercée librement et sans que les raisons en soient données. Dans le cas
contraire, on ruinerait la faculté de résiliation [...] » (nous soulignons).

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