Bibliothèque de droit privé - Tome 646 - Les droits finalisés dans le contrat - 137

LA CARACTÉRISATION POSITIVE
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« En somme : au " bien commun " du droit public s'opposerait le " chacun pour soi " du
droit privé »39. Pour autant, l'unilatéralisme doit-il nécessairement être perçu comme
un mal qu'il faut combattre40 ?À l'instar du droit administratif des contrats, il serait
peut-être opportun de systématiser le contrôle des finalités d'exercice des pouvoirs
unilatéraux dont l'usage fait grief au cocontractant41. Encore convient-il de saisir au
préalable les contours de la notion de pouvoir en droit privé.
137. Notion de pouvoir en droit des contrats. Le pouvoir juridique constitue une
notion présente dans le droit positif des contrats42. Le législateur y recourt dans plusieurs
dispositions afin de désigner certaines prérogatives reconnues à un contractant, tout en
s'abstenant de définir la notion de pouvoir. En ce sens, les articles 1153 et suivants du
Code civil régissant la représentation visent, à maintes reprises, les pouvoirs du
représentant43. De tels pouvoirs permettent à celui-ci d'accomplir des actes juridiques
pour le compte du représenté44. Leur délimitation fixe donc les limites de l'action du
représentant. Les références légales à la notion de pouvoir, en tant que prérogative juridique,
se retrouvent encore en matière de mandat45 ou de sociétés46. Le pouvoir juridique
ne se confond toutefois pas avec la représentation en droit privé47. Les pouvoirs de représentation
n'englobent pas la totalité des pouvoirs juridiques. En outre, il est généralement
admis que le pouvoir juridique constitue une prérogative permettant à son titulaire de
produire des actes juridiques unilatéraux, autrement dit de modifier l'ordonnancement
juridique indépendamment du consentement de leur destinataire48.
138. Les manifestations des pouvoirs juridiques en droit privé ne se cantonnent
cependant pas aux hypothèses dans lesquelles une disposition vise directement de
39. Ibid. Rappr. J. RIVERO, « La protection des droits de l'homme dans les rapports entre personnes
privées », in René Cassin amicorum discipulorumque liber, t. III, Pedone, 1971, p. 311 et s., spéc. nº 14,
p. 322.
40. S. BROS, « La place de l'unilatéralisme : progrès ou danger ? », RDC 2012, p. 1452 et s.
41. Rappr. C. PIGACHE, « Propos introductifs à la procéduralisation du droit », in C. Pigache (dir.), Les
évolutions du droit (Contractualisation et Procéduralisation), Publications de l'Université de Rouen, 2004,
p. 107 et s., p. 113 : « [...] sont soumis à motivation les actes juridiques unilatéraux par lesquels une personne
impose sa volonté à une autre personne, qu'il s'agisse par exemple des décisions administratives
individuelles défavorables visées par la loi du 11juillet 1979 ou du congé faisant cesser un bail commercial
prévu à l'article L. 145-9 du Code de commerce ».
42. Sur la distinction entre pouvoir juridique et pouvoir de fait, E. DOCKÈS, Valeurs de la démocratie,
Huit notions fondamentales, op. cit., p. 92 : « Le pouvoir juridique se distingue du simple pouvoir de fait
par son intégration au sein du système juridique ».
43. V. G.WICKER, « Le nouveau droit de la représentation », D. 2016, p. 1942 ; J. FRANÇOIS,« L'acte
accompli par le mandataire en dehors de ses pouvoirs et le contrat de mandat », D. 2018, p. 1215.
44. P. MALINVAUD,M. MEKKI et J.-B. SEUBE, Droit des obligations,17e
éd., LexisNexis, 2023, nº 102,
p. 99 : « La question du pouvoir n'apparaît que dans le cas où une personne agit pour le compte d'autrui : at-elle
le pouvoir de représenter telle autre personne pour accomplir tel acte ? ».
45. Selon l'article 1984, alinéa 1er
donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant en son nom ».
46. Sur les pouvoirs des dirigeants, M. COZIAN,A. VIANDIER et F. DEBOISSY, Droit des sociétés,35e
, du Code civil, le mandat constitue l'« acte par lequel une personne
éd.,
LexisNexis, 2022, nº 413 et s. V. égal. D.MARTIN, « Les pouvoirs des gérants des sociétés de personnes »,
RTD com. 1978, p. 185.
47. V. E. GAILLARD, Le pouvoir en droit privé, op. cit., nº 5 et s., p. 10 et s. ; S. LEQUETTE, Le contratcoopération,
Contribution à la théorie générale du contrat, préf. C. Brenner, Economica, 2012, nº 469,
p. 380.
48. En ce sens, E. DOCKÈS, Valeurs de la démocratie, Huit notions fondamentales, op. cit., p. 93.
V. déjà, P. ROUBIER, « Les prérogatives juridiques », in La théologie chrétienne et le droit, APD 1960, t. V,
p. 65 et s., spéc. p. 118 : « [...] c'est parce qu'il doit y avoir empiètement sur la sphère juridique d'autrui que
des pouvoirs sont nécessaires ».
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