Bibliothèque de droit privé - Tome 646 - Les droits finalisés dans le contrat - 161

LA CARACTÉRISATION POSITIVE
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« le procédé qui permet aujuge de prendre en considération le type moyen de conduite
sociale correcte pour la catégorie déterminée d'actes qu'il s'agit de juger »193.Si les
standards juridiques ne fixent pas apriori le contenu des motifs légitimes194, ils contiennent
néanmoins une exigence de justification et fournissent, à ce titre, un outil de limitation
et de contrôle des raisons d'exercer un droit195.Pour s'en convaincre, il suffit d'observer
que des notions telles que l'intérêt de l'entreprise, l'intérêt social, la cause réelle et
sérieuse, ou encore la cause légitime reconnue en justice, fondent effectivement un
contrôle judiciaire des raisons d'agir d'un contractant196.
176. Instrument de mesure du pouvoir unilatéral de décision détenu par un
contractant, le standard de justification se présente par ailleurs comme un moyen de
concilier les intérêts divergents des cocontractants. En effet, le standard emporte une
exigence de justification dont le contenu pourra varier concrètement en fonction des
intérêts que le juge entend faire prévaloir. Il n'est d'ailleurs pas anodin que les standards
de justification soient parfois expressément formulés en termes d'intérêts légitimes
d'exercice du droit. Par où il est possible de voir, selon les mots de M. Ost, que
l'intérêt exerce, entre autres, une fonction limitative « qui consiste à contrôler l'exercice
des droits subjectifs et la toute-puissance des volontés individuelles. Sous des
formes diverses [...] la référence à l'intérêt (général, collectif, d'autrui, ...) assigne
des limites aux droits subjectifs et contribue ainsi à les relativiser »197.L'auteur souligne
également que « l'intérêt, en même temps qu'il consacre la montée sur la scène
juridique, de nouveaux acteurs et contraint à prendre en compte leurs avantages,
entraîne, par effet en retour, une forme de contrôle, de limitation ou de finalisation
des droits subjectifs environnants »198. Il résulte de cette fonction de finalisation du
pouvoir que la notion d'intérêt, en tant que standard de justification, fait figure de
« notion contentieuse », c'est-à-dire d'instrument permettant au juge de trancher un
conflit d'intérêts entre cocontractants199. La mise en balance de ces intérêts rejaillit
donc sur la détermination du contenu des motifs légitimes200.
193. M. O. STATI, Le standardjuridique, op. cit., nº 21, p. 45 (souligné par l'auteur).
194. En ce sens, P. LOKIEC, « La décision et le droit privé », D. 2008, p. 2293 et s. : « Du fait de son
indétermination, le standard, surtout lorsqu'il est formulé en termes très généraux [...], ne prédétermine pas
en principe les motifs admissibles de la décision, mission qui incombe alors au juge ». Rappr. Y. PICOD, Le
devoir de loyauté dans l'exécution du contrat, préf. G. Couturier, LGDJ, 1989, nº 72, p. 88 : « la notion de
standard [...] constitue une mesure, une appréciation et non une directive d'action du contractant ».
195. En ce sens, G. BOUCRIS-MAITRAL, « Intérêt social et intérêt de l'entreprise, des outils de contrôle
du pouvoir privé », art. préc., spéc. nº 12, p. 34-35 : « Si l'on accepte de maintenir cette imprécision propre
au standard, on garantit que s'ouvre, dans le débat judiciaire, un espace de discussion et de justification. Le
titulaire du pouvoir peut, par cette voie, être amené à justifier ses décisions dont tout intéressé peut contester
l'adéquation à l'intérêt social ou à l'intérêt de l'entreprise ». V. dans le même sens, A. LYON-CAEN,
« Juger la gestion », art. préc., spéc. p. 22.
196. P.-Y. VERKINDT,« L'entreprise », in B. Teyssié (dir.), Les notionsfondamentales du droit du travail,
Éditions Panthéon-Assas, 2009, p. 43 et s., spéc. nº 77, p. 53 : « La notion d'intérêt de l'entreprise est
[...] à la fois un principe d'action et un outil de contrôle » ; G. BOUCRIS-MAITRAL, « Intérêt social et intérêt de
l'entreprise, des outils de contrôle du pouvoir privé », art. préc., spéc. nº 12, p. 34 : « En tant que standards,
l'intérêt de l'entreprise et l'intérêt social doivent comporter une part d'indétermination pour jouer le rôle
qui leur est dévolu et permettre le contrôle du pouvoir privé ».
197. F. OST, Droit et intérêt, vol. 2, Entre droit et non-droit : l'intérêt, op. cit., p. 17.
198. Ibid., p. 150 (nous soulignons).
199. En ce sens, à propos de la notion d'intérêt social, M.MEKKI, L'intérêt général et le contrat,
Contribution à une étude de la hiérarchie des intérêts en droit privé, op. cit., nº 699, p. 423.
200. V. par ex. R. BAILLOD,« Le " juste motif " de révocation des dirigeants sociaux », art. préc., spéc.
nº 7, p. 399 : « C'est donc de l'équilibre instauré entre l'intérêt de la collectivité des associés et l'intérêt du
dirigeant que va déprendre la physionomie du " juste motif " ».
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