Bibliothèque de droit privé - Tome 646 - Les droits finalisés dans le contrat - 176

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LES DROITS FINALISÉS DANS LE CONTRAT
rationalité de l'activité juridique humaine, au titre de laquelle figure notamment celle
du sujet de la régulation juridique4. Au sein d'une telle typologie, l'étude de la rationalité
des contractants usant de leurs prérogatives relève nettement de la dernière
forme de rationalité envisagée. En effet, s'intéresser à l'exercice des droits finalisés
dans le contrat revient à examiner la rationalité de l'activité juridique du contractant.
« Dans cette optique, peuvent être qualifiés de rationnels : un acte humain (et nous
entendons par acte l'effet ou le fruit d'une action), l'action elle-même, ou encore, en
amont de l'action, la délibération qui la précède, le choix qu'elle incarne, la décision
qui la provoque »5.
202. Rationalité et irrationalité de l'action des contractants. - L'hypothèse
de la rationalisation de l'action unilatérale des contractants doit être bien comprise.
Elle ne revient pas à dire qu'en l'absence de finalisation des droits, entendue comme
l'encadrement positif des motifs d'action du contractant, l'exercice d'un droit par son
titulaire serait nécessairement irrationnel. L'usage rationnel des prérogatives juridiques
ne se cantonne bien évidemment pas à l'exercice des droits finalisés6. La rationalisation
induite de la finalisation des droits manifeste une rationalité qui, non seulement
ne se présume plus, mais doit encore pouvoir faire l'objet d'une démonstration.
Par conséquent, la rationalité du contractant devient susceptible d'être mise à nue et
contrôlée par une autorité qui lui est extérieure. De la même façon, ainsi que l'observe
M. Chevallier à propos de la rationalisation que connaît le droit :
« Le droit ne bénéficie plus dans les sociétés contemporaines d'une légitimité de
principe, en tant qu'expression de la Raison ; il n'est pas pour autant placé sous le
signe de l'irrationnel, mais tenu d'apporter la démonstration concrète de son bienfondé,
par la rigueur de ses méthodes d'élaboration et la pertinence de ses effets ; la
Raison juridique ne disparaît pas mais devient une Raison pratique, fondée, non plus
sur le postulat de rationalité du droit, mais sur l'entreprise de rationalisation dont il
est l'objet, aussi bien dans son dispositif que dans ses processus »7.
S'agissant plus particulièrement de l'exercice des droits, il conviendra donc de
déterminer dans quelle mesure la limitation des motifs pour lesquels un contractant est
fondé à exercer un droit conduit à un changement dans l'appréciation de la rationalité
de son action8.
203. Par ailleurs, il convient d'ores et déjà de remarquer que la prise de décisions
contient potentiellement une part d'irrationnel9. La prise en compte notamment
des émotions du sujet permettrait d'apprécier cette part d'irrationnel dans le processus
4. Ibid., spéc. p. 237-238.
5. Ibid., spéc. p. 238. V. égal. sur les différentes formes de rationalité qu'emprunte l'action des
acteurs sociaux, M.WEBER, Économie et société, t. 1, Les catégories de la sociologie, Pocket, 1995, p. 55
et s.
6. Rappr. A. SUPIOT, Homo juridicus, Essai sur la fonction anthropologique du Droit, Seuil, 2005,
p. 10 : « [...] les idées de Loi et de contrat représentent seulement une façon parmi d'autres d'instituer la
justice parmi les hommes, et de les soumettre à l'empire de la raison ».
7. J. CHEVALLIER, L'État post-moderne, préf. J. Commaille, 5e
l'auteur). Si l'auteur ne vise pas directement les prérogatives attribuées aux individus, il n'en demeure pas
moins que celles-ci n'échappent pas à l'évolution du droit qu'il s'attache à décrire.
8. Rappr. J. FREUND, « La rationalisation du droit selon Max Weber », in Formes de rationalité en
droit, op. cit., p. 69 et s., spéc. p. 86 : « On peut [...] considérer la rationalisation du droit comme une libération
de l'homme dans certaines conditions, mais dans d'autres comme son asservissement ».
9. Rappr. G. KALINOWSKI, « De la spécificité de la logique juridique », in La logique du droit, APD
1966, t. 11, p. 7 et s., spéc. p. 23.
éd., LGDJ, 2017, p. 189 (souligné par
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