Bibliothèque de droit privé - Tome 646 - Les droits finalisés dans le contrat - 195

LES MOYENS DE LA RATIONALISATION DES DÉCISIONS
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poursuivre un intérêt qui ne soit pas exclusivement personnel, qui conduit à la finalisation
des droits98. Ramenée au droit des contrats, la problématique examinée est
celle de l'influence qu'exerce la prise en compte de l'intérêt sur l'appréciation de la
rationalité des actes pris par un contractant dans l'exercice de ses droits. Dans cette
démarche, il est utile de se référer aux liens qu'entretient l'intérêt poursuivi par le
sujet agissant avec la rationalité de son action dans d'autres disciplines au rang desquelles
figure en premier lieu l'économie99.L'analyse du rôle de l'intérêt dans la
rationalisation de l'action individuelle n'échappe d'ailleurs pas à d'autres champs
disciplinaires100.L'analogie avec ces disciplines sera donc réalisée lorsqu'elle permettra
d'éclairer utilement l'appréciation de la rationalité de l'action du contractant en
droit101. De tels emprunts se justifient principalement dans la mesure où ces disciplines
accordent, à l'instar du droit, une place importante à l'orientation de l'action de
l'individu102. Pour autant, s'il est envisageable d'approcher la rationalité des décisions
prises par les acteurs juridiques, chercher à restituer parfaitement l'intégralité
des éléments déterminant un individu à agir paraît largement illusoire. Suivant les
mots d'un auteur, « il faut renoncer à vouloir tout expliquer, accepter les limites inhérentes
à l'effort humain, chercher plutôt à comprendre, à mieux la respecter, la complexité
écologique du droit et du contrat »103.
225. Afin de déterminer dans quelle mesure l'analyse de la rationalité de l'homo
œconomicus offre une voie d'accès à la compréhension de la rationalité de l'homo
juridicus, et plus particulièrement celle du titulaire de droits finalisés, il convient de
s'intéresser aux rapports entre intérêt et rationalité de l'action de l'agent dans la
science économique. Tout en postulant que l'individu agit de manière rationnelle, certaines
théories économiques font de la poursuite de l'intérêt personnel, voire la maximisation
de cet intérêt, l'élément permettant de qualifier une action de rationnelle104.
98. Rappr. G. RIPERT, Le déclin du droit, Études sur la législation contemporaine, op. cit., nº 62,
p. 196 : « [...] tout droit est par sa nature même égoïste en ce sens qu'il est donné pour satisfaire les fins
personnelles de l'homme. Cela n'implique aucun jugement sur la conduite du titulaire du droit. Ne confondons
pas la moralité des actions et l'exercice des droits ».
99. V. not. S. FEREY, « Histoire et méthodologie de l'analyse économique du droit contemporaine », in
B. Deffains et É. Langlais (dir.), Analyse économique du droit, Principes, méthodes, résultats, De Boeck,
2009, p. 11 et s.
100. V. par ex. en sociologie, P. LASCOUMES, « Intérêt et rationalisation de l'action humaine : la notion
d'intérêt en sociologie, Pesanteurs et redéfinition de l'utilitarisme », art. préc., spéc. p. 108 et s. V. égal.
R. BOUDON et F. BOURRICAUD, Dictionnaire critique de la sociologie, Paris, PUF, 1982, Vº « Action », p. 1
et s. et « Rationalité », p. 445 et s.
101. Rappr. H. MUIR WATT, « Analyse économique et perspective solidariste », in C. Jamin et
D. Mazeaud (dir.), La nouvelle crise du contrat, Dalloz, 2003, p. 183 et s. spéc. nº 2, p. 184 : « Parmi les
utilités de l'analyse économique du droit est précisément celle qui consiste à fournir une grille de lecture
des institutions juridiques, en identifiant la " structure incitative " ».
102. Rappr. P. LE TOURNEAU, « Existe-t-il une morale des affaires ? », in La morale et le droit des
affaires, Montchrestien, 1996, p. 7 et s., spéc. p. 9 : « [...] chaque discipline (et, plus encore, chaque agent
dans les divers domaines de l'activité humaine) a besoin d'une morale qui la dépasse, la domine, lui fixe un
idéal, des normes de référence, en deux mots : une instance critique ».
103. J.-G. BELLEY, « Deux journées dans la vie du droit : Georges Gurvitch et Ian R. Macneil », in
F. Chazel et J. Commaille (dir.), Normes juridiques et régulation sociale, LGDJ, 1991, p. 103 et s., spéc.
p. 119.
104. A. STROWEL, « À la recherche de l'intérêt en économie, De l'utilitarisme à la science économique
néo-classique », in P. Gérard, F. Ost et M. Van de Kerchove (dir.), Droit et intérêt, vol. 1 : Approche interdisciplinaire,
op. cit., p. 37 et s., p. 69 : « C'est une règle en économie [...] que de supposer que l'homo
œconomicus à la poursuite de ses propres intérêts est la meilleure approximation du comportement réel
des individus dans le cadre des relations marchandes » ; N. BERTA, « Rationalité », in Dictionnaire de
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