Bibliothèque de droit privé - Tome 646 - Les droits finalisés dans le contrat - 204

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LES DROITS FINALISÉS DANS LE CONTRAT
et le reflux des mouvements d'objectivation et de subjectivation à l'œuvre dans le
contrat ne vont jamais jusqu'àl'épuisement complet de l'un d'eux. L'auteur y voit
« une manière de loi d'évolution du contrat » qu'il qualifie de « thèse de l'évolutionnisme
contractuel »162. La nécessité d'une justification, autrement dit de fournir des
raisons objectives d'agir, conduit à l'impossibilité pour l'auteur de la décision de fonder
celle-ci exclusivement sur des éléments subjectifs. Dès lors, la rationalité d'une
décision contractuelle unilatérale devient susceptible d'être appréciée et contrôlée
par une instance critique. C'est en ce sens qu'il est possible d'affirmer que l'objectivation
des décisions, conséquence de la finalisation des droits, participe de leur rationalisation.
En définitive, le régime des prérogatives unilatérales faisant l'objet d'une
finalisation subit l'attraction constante de deux forces antagonistes : d'une part, la
subjectivité de la volonté du contractant qui en est titulaire ; d'autre part, l'objectivité
du motif qui vient en conditionner la mise en œuvre et le contrôle. Cette dualité se
retrouve d'ailleurs jusque dans les acceptions qui sont retenues du terme « action ».
Selon le Vocabulaire technique et critique de la philosophie de Lalande, « le mot
action tire son caractère philosophique du terme agir (agere, pousser), qui se rattache
d'un côté au sentiment intérieur de l'effort et de la volonté, de l'autre aux mouvements
extérieurs qui en sont la manifestation, ou qui ont primitivement suggéré à
des observateurs anthropomorphistes l'idée d'une relation analogue »163. Quoi qu'il
soit, en débouchant sur une objectivation des décisions unilatérales, l'obligation de
justification de l'exercice du pouvoir manifeste tant une certaine une aversion à
l'égard de celui-ci que la nécessité d'en reconnaître l'existence voire de le
promouvoir164. À ce titre, exigence de justification constitue un moyen d'encadrer
l'exercice des pouvoirs décisionnels et non de les écarter de la sphère
contractuelle165. À travers un encadrement des motifs, la finalisation manifesterait donc
la réalité du pouvoir reconnu au contractant166. En définitive, la finalisation des droits
offre une voie de conciliation entre l'unilatéralisme - dont le développement dans la
162. Ibid., spéc. nº 16, p. 90 : « Le double mouvement de la subjectivation et d'objectivation étant,
dans sa dualité, inhérent au contrat, aucun des membres de ce couple ne saurait jamais l'emporter entièrement
sur l'autre. Pour autant, sur une même période, l'influence respective du subjectivisme et de l'objectivisme
dans le régime du contrat n'est jamais équilibrée ».
163. A. LALANDE, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, op. cit., Vº « Action », p. 19
et s., spéc. p. 21-22. Rappr. L. SFEZ, La décision, op. cit., p. 6 : « Écartelé entre la conscience des déterminismes
et la volupté de sa liberté, l'homme de tous les jours veut passionnément croire à la décision, bouée
de sauvetage idéologique, intermédiaire obligé entre la liberté et le déterminisme, opposition elle-même
idéologique ».
164. En ce sens, E. DOCKÈS, Valeurs de la démocratie, Huit notions fondamentales, op. cit.,p. 76 :
« Les pouvoirs de droit sont des pouvoirs reconnus comme suffisamment justifiés pour être jugés dignes
d'être soutenus par la force du droit, pourvu qu'ils ne sortent pas d'un cadre précis ». Adde,L. AYNÈS, « Les
nouveaux pouvoirs unilatéraux des contractants - Synthèse », RDC 2018, p. 528 et s., spéc. nº 6, p. 529 :
«Ce qu'il faut, c'est non pas brider ces pouvoirs, les accepter à reculons et à regret, ce qui conduirait le
contrat à l'inutilité, mais en organiser l'exercice (délai - forme - motivation) et le contrôle ».
165. V. E. DOCKÈS, Valeurs de la démocratie, Huit notions fondamentales, op. cit., p. 73-74 : « [La
démocratie] emporte des exigences de justification, de limitation, de réglementation, de contrôle, de division
du pouvoir. Elle est une exigence de réduction du pouvoir au nécessaire ». Rappr. E. FRIEDBERG,
« Rationalité », in A. Bevort, A. Jobert, M. Lallement et A. Mias (dir.), Dictionnaire du travail, PUF, 2012,
p. 607 et s., spéc. p. 612 : « La rationalité limitée est l'autre face de la démocratie ».
166. Dans le même sens, s'agissant du contrôle de l'abus de certaines prérogatives unilatérales,
T. REVET, « Les apports au droit des relations de dépendance », in La détermination du prix : nouveaux
enjeux un an après les arrêts de l'assemblée plénière, RTD civ. 1997, p. 37 et s., spéc. nº 5, p. 40 : « [...]
l'abus dans la fixation du prix suppose nécessairement... le pouvoir de fixation du prix. L'éventualité de
l'abus révèle donc, d'abord, le pouvoir dont il vient limiter l'exercice » (souligné par l'auteur).
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