Bibliothèque de droit privé - Tome 646 - Les droits finalisés dans le contrat - 221

LES FONCTIONS DE LA RATIONALISATION DES DÉCISIONS
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persiste quant à la régularité de l'exercice d'un droit, la présomption de légitimité
dont bénéfice son détenteur devrait être maintenue.
245. En présence d'un droit finalisé, la question de la charge de la preuve des
justes motifs d'exercice d'un droit relève normalement de l'article 1353, alinéa
second, du Code civil puisque celui-ci dispose que « celui qui se prétend libéré, doit
justifier [...] le fait qui a produit l'extinction de son obligation ». Le « fait » qui se
trouve visé par le texte semble suffisamment large pour pouvoir englober le motif
d'exercice d'un droit dont le contractant doit établir le bien-fondé. En application de
ce texte, le titulaire d'un droit finalisé devrait, en cas de contestation par le cocontractant,
rapporter la preuve de la légitimité des raisons qui l'ont conduit à faire usage de
son droit.
246. Exigence de justification et charge de la preuve en droit du travail. -
Les décisions prises par l'employeur bénéficient en principe d'une présomption de
légitimité24. En vertu des règles classiquement applicables en matière probatoire, la
charge de la preuve pèserait sur le cocontractant qui entend remettre en cause l'apparence
de légitimité de telles décisions. C'est au salarié qu'incomberait par conséquent
la charge de rapporter les éléments de preuve de nature à établir le caractère abusif des
mesures prises par l'employeur. Toutefois, il est fréquent que les décisions de l'employeur
se trouvent subordonnées au respect d'une exigence substantielle de justification.
En présence d'une telle obligation pour l'employeur de justifier ses décisions, le
régime probatoire classiquement applicable s'en trouve-t-il altéré ou même écarté ?
Plus précisément, l'exigence de justification conduit-elle, en pratique, à un renversement
de la présomption de légitimité des décisions de l'employeur ? Afin de répondre
à ces interrogations, seront examinés le régime probatoire applicable en cas de contestation
par un salarié de son licenciement ainsi que celui de la contestation du motif de
recours à un contrat de travail à durée déterminée.
247. S'agissant tout d'abord de la contestation du licenciement, les évolutions
législatives intervenues au cours du XXe
siècle ont progressivement conduit à un renversement
partiel de la charge de la preuve qui, à l'origine, reposait exclusivement sur
le salarié. En effet, en vertu des règles classiquement applicables en la matière, il
revenait au salarié de rapporter la preuve d'une faute de l'employeur dans l'exercice
de sa faculté de congédiement25.En l'absence d'une telle preuve, le salarié ne pouvait
espérer obtenir de dommages-intérêts. Bien qu'elle ait instauré une obligation à la
charge des tribunaux de mentionner dans leur jugement le motif allégué par l'employeur,
la loi du 19juillet 1928 n'a pas véritablement conduit à une modification
du régime antérieur en ce qui concerne la charge de la preuve26. En effet, postérieurement
à l'adoption de la loi, les juridictions ont continué à faire peser la charge
24. V. par ex., J.-B. DONNIER, L'autorité en Droit privé, th. préc., nº 240, p. 212 : « Ainsi, le contrôle
des motifs de licenciement [...] consiste à vérifier la conformité d'un acte relevant de la fonction du chef
d'entreprise avec la finalité de cette fonction, que son titulaire est présumée apte à discerner par la
" sagesse " qui lui est, a priori, reconnue ».
25. L. GAMET, « La preuve en droit du travail. Contestation du licenciement, conviction et doute du
juge prud'homal », in M. Mekki, L. Cadiet et C. Grimaldi (dir.), La preuve : regards croisés, Dalloz, 2015,
p. 29 et s., spéc. p. 29.
26. En ce sens, JCPG 1964, I, 13732, obs. sur Cass. soc., 22 avr. 1964 : « Contrairement à la doctrine
dans son ensemble, la Cour de cassation considère que la réforme de 1928 n'a nullement déplacé le fardeau
de la preuve. Il incombe au salarié qui soutient que le licenciement est abusif, d'apporter la preuve de la
faute commise par l'employeur dans l'exercice de son droit de résiliation unilatéral ».
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