Bibliothèque de droit privé - Tome 646 - Les droits finalisés dans le contrat - 238

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LES DROITS FINALISÉS DANS LE CONTRAT
combinaison des valeurs et intérêts permet de former un système d'intelligibilité de
certaines pratiques sociales :
- il s'agit ici, non de rechercher un système d'explication causale qui dirait le
pourquoi des causes,
- mais un système rhétorique s'efforçant a posteriori de donner une cohérence,
une légitimité et souvent une quasi-objectivité à des choix plus ou moins conscients et
de créer par là même un effet de vérité »133.
262. La terminologie entourant l'obligation de justifier l'exercice d'un droit
oscille entre recherche de vérité et recherche du juste134. Ainsi, lorsque se trouvent
requises une cause « réelle » ou encore des raisons « objectives et transparence »,
c'est à la vérité qu'il semble être fait appel. Toutefois, lorsqu'il est fait référence à
des motifs « légitimes », des «justes » causes, ou encore de «justes » motifs, l'exigence
de justification paraît prendre une certaine distance avec la recherche de vérité.
Au regard de la généralité et du flou qui les entourent, les standards de justification
offriraient l'illustration d'une vraisemblance en décalage avec le vrai. En effet, « des
notions floues et vagues permettant de régir des situations à l'aide d'un modèle abstrait
qui est une réalité essentiellement intellectuelle »135.
263. L'exigence d'objectivité des motifs permet de douter d'une mise à l'écart
de la recherche de la vérité. En effet, le caractère objectif d'un motif laisse penser que
l'épreuve de justification des décisions prises par un contractant ne saurait se satisfaire
d'une simple apparence de vérité. Certaines expressions employées par le législateur
afin de désigner les raisons pour lesquelles un contractant est fondé à utiliser une
prérogative juridique le suggèrent d'ailleurs. De cette façon, imposer que la cause de
licenciement soit « réelle » ne revient-il pas à exiger de l'employer l'invocation du
motif ayant véritablement dicté son choix ? Conformément à la jurisprudence de la
chambre sociale de la Cour de cassation, il incombe aux juges du fond de rechercher
la véritable cause du licenciement prononcé à l'encontre du salarié136. De la sorte, le
juge prud'homal aurait l'obligation de découvrir les vraies raisons ayant conduit
133. P. LASCOUMES, « Intérêt et rationalisation de l'action humaine : la notion d'intérêt en sociologie,
Pesanteurs et redéfinition de l'utilitarisme », in P. Gérard, F. Ost et M. Van de Kerchove (dir.), Droit et intérêt,
vol. 1 : Approche interdisciplinaire, Facultés universitaires Saint-Louis, 1990, p. 103 et s., spéc. p. 118
(nous soulignons). V. égal., X. LAGARDE,« Qu'est-ce qui est juste ? Propos de juriste », in Mélanges en
l'honneur du Professeur Gilles Goubeaux, Dalloz/Litec, 2009, p. 299 et s., spéc. nº 11 : « Lorsqu'il s'agit
de prendre part à une discussion, ce sont des éléments objectifs qu'il convient de verser au débat de telle
sorte qu'est sollicité l'entendement et non la sensibilité. Or, ce qui se pense se justifie. Pour qu'il y ait
débat, il importe de proposer un enchaînement de raisons successives qui sont autant d'occasions de l'ouvrir.
S'il n'y a que des conclusions, il n'ya qu'affrontement, en aucun cas dialogue ».
134. V. de manière générale, G. CORNU, « Rapport de synthèse », art. préc., spéc. p. 2 : « La cohorte
des mots qui escortent la vérité est l'une des plus riches familles sémantiques du vocabulaire juridique.
Mais les mots ne sont qu'un écho de la valeur fondamentale que le Droit reconnaît en la vérité. Et comment
ne pas admettre de cœur que la vérité est, comme la justice, l'un des fondements du Droit et même plus
radicalement encore, car si la vérité est d'abord la justesse de la justice, comment ne serait-elle pas, à un
double titre, la droiture du Droit ? ».
135. C. PUIGELIER, « Vrai, véridique et vraisemblable », art. préc., spéc. nº 27, p. 230. Adde,
P. MALAURIE et P. MORVAN, Introduction au droit,9e
éd., LGDJ, 2022, nº 237, p. 305 : « Le standard est un
étalon de la réalité [...] ».
136. Plusieurs décisions peuvent être mentionnés en ce sens, Cass. soc., 23 oct. 1991, nº 88-44099 :
Bull. civ., V, nº 427 ; Cass. soc., 10 avr. 1996, nº 93-41755 : Bull. civ. V, nº 149 ; Cass. soc., 26 mai 1998,
nº 96-41062 : Bull. civ. V, nº 276. V. égal. P. WAQUET, « Le contrôle de la chambre sociale de la Cour de
cassation sur la cause réelle et sérieuse de licenciement », Dr. soc. 1992, p. 980 et s.
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