Bibliothèque de droit privé - Tome 646 - Les droits finalisés dans le contrat - 263

LA FINALISATION DANS LA RÉGLEMENTATION DES CONTRATS INÉGALITAIRES
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seuls droits du bailleur ne saurait être le fruit du hasard. Elle révèle le procédé législatif
consistant à lier la finalisation des droits, et donc l'exigence de justification de
leur exercice, à la qualité du contractant22. Le phénomène de la finalisation des prérogatives
de certains contractants rend ainsi compte, comme le soutenait Josserand,
que « généralement, sinon toujours, ce n'est pas la personne du protégé qui devient
le siège de mesures protectrices qui ont une incidence tout autre ; c'est la partie
adverse que l'on atteint et dont on paralyse, dont on conditionne l'activité ;c'est le
plus fort que l'on maîtrise afin qu'il n'exploite pas injustement le plus faible ; le handicap
est pour lui, non pour sa victime désignée »23. La détermination de la situation
de faiblesse d'une partie au contrat face à la puissance de son cocontractant déclenche
ainsi l'adoption d'un mécanisme protecteur, consistant à encadrer les finalités d'exercice
des droits du contractant présumé fort dans le rapport contractuel. En matière de
bail immobilier, ce sont bien les prérogatives de la partie présumée forte qui font l'objet
d'une restriction des raisons pour lesquelles elles peuvent être utilisées afin d'assurer
une certaine pérennité du lien contractuel au profit du preneur24. La finalisation
du droit de rupture du bailleur se présente alors comme un instrument de rééquilibrage
des baux structurellement déséquilibrés25, et au titre desquels figurent les baux d'habitation
ainsi que les baux commerciaux. En dehors de ces cas, la nécessité d'une telle
protection du preneur à bail apparaît avec moins d'évidence26.
292. La protection accordée par le preneur à bail à travers l'encadrement des
prérogatives de son cocontractant trouve une justification dans le principe d'égalité.
22. Rappr. C.NOBLOT, La qualité du contractant comme critère légal de protection, Essai de méthodologie
législative, préf. F. Labarthe, LGDJ, 2002, nº 502, p. 261 : « Afin d'assurer une protection promotionnelle
systématique à un contractant pour des raisons étrangères à la notion de contrat, les règles de fond sont les plus
propices, car le juste, apprécié ici indépendamment de l'économie du contrat, est, par la force des choses, atteint
lorsque la discrimination positive reflète une configuration interpartes qui accuse une asymétrie axiologique » ;
F. PLANCKEEL,« L'équilibre du bail commercial. De la loi Pinel à la réforme du droit des contrats : propos introductifs
», art. préc., spéc. p. 10 : « C'est en somme l'équilibre par la protection ».
23. L. JOSSERAND, « La protection des faibles par le droit », in Évolutions et actualités : conférences de
droit civil, Sirey, 1936, p. 159 et s., spéc. p. 171 (nous soulignons). Égal. en ce sens, C. NOBLOT, La qualité
du contractant comme critère légal de protection, Essai de méthodologie législative, op. cit., nº 22, p. 15 :
« Quand le législateur prend en compte la qualité du contractant, ce n'est pas toujours pour protéger ce
dernier. Le critère légal est parfois utilisé d'abord pour soumettre une partie à un régime plus sévère ».
24. Rappr. J.-L. AUBERT, « Les relations entre bailleurs et locataires en droit français », art. préc., spéc.
nº 18, p. 175 : « [...] il n'y a lieu à stabilité du rapport locatifque dans la mesure de l'intérêt du locataire. [...]
la durée est une obligation pour le bailleur ; elle est exclusivement un droit pour le locataire ».
25. Rattachant explicitement les baux, outre les contrats de travail et de consommation, aux contrats
structurellement déséquilibrés, L. FIN-LANGER,« L'équilibre contractuel du bail commercial », art. préc.,
spéc. p. 181. Rappr. J. MONÉGER, « Liberté, égalité, fraternité et droit des baux », Loyers et copr. janv.
2003, repère nº 1 : « [...] le droit des baux est bien ancré sur l'égalité entre les inégaux pour que la différence
entre les parties cesse d'être le facteur déterminant du régime juridique de l'acte passé. [...] La loi
assure l'égalité en interdisant l'exercice inégal. Chacune des parties sait ce que la loi énonce. Chacune sait
leur inégalité. Chacun sait que la liberté est modulée par le respect de la norme égalitaire ». Comp. distinguant
la situation du candidat locataire de celle du locataire en place, M. FONTAINE, « La protection de la
partie faible dans les rapports contractuels, Rapport de synthèse », in J. Ghestin et M. Fontaine (dir.), La
protection de la partie faible dans les rapports contractuels, Comparaisons franco-belges, op. cit., p. 615
et s., spéc. nº 4, p. 618.
26. En ce sens, s'agissant des baux ruraux et des baux professionnels, J. MONÉGER, « Le bail du local
d'exploitation de l'entreprise entre les statuts d'hier et les exigences de demain », in Études offertes à Jacques
Béguin, Droit et actualité, Litec, 2005, p. 507 et s., spéc. nº 55 et 56. Comp. C. NOBLOT, La qualité du
contractant comme critère légal deprotection, Essai de méthodologie législative, op. cit., nº 196 : « Le droit
de la résiliation du contrat de bail rural est emblématique de la discrimination positive pour le locataire et de
l'asymétrie du régime du bail rural ».
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