Bibliothèque de droit privé - Tome 646 - Les droits finalisés dans le contrat - 95

LES MANIFESTATIONS DANS LE CONTENTIEUX CONTRACTUEL
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l'atteinte causée à la liberté religieuse du salarié186. Néanmoins, en dehors d'une telle
hypothèse, la liberté religieuse du salarié conduit parfois les juridictions à examiner la
légitimité des raisons d'exercice des prérogatives patronales lui portant atteinte. La
Cour de cassation a jugé, dans une décision du 22 novembre 2017, que « les restrictions
à la liberté religieuse doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir,
répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et proportionnées
au but recherché »187. Il ressort de cette décision que l'exigence de justification de la
restriction apportée à la liberté religieuse du salarié conduit à un encadrement des
finalités d'exercice du pouvoir réglementaire de l'employeur. De la sorte, « la recherche
d'une protection des droits fondamentaux dans l'entreprise conduit non seulement
à dévoiler l'exercice des prérogatives patronales, elle conduit encore à en clarifier
l'exercice à travers la promotion d'une exigence de justification »188.
90. En tout état de cause, les raisons d'agir de l'employeur se trouvent scrutées par
les juges judiciaires à la lumière des droits fondamentaux du salarié. Pour reprendre la
formule de Lyon-Caen, « le sacrifice des libertés n'est pas inconditionnel, il est
finalisé »189. Ainsi, indépendamment de la forme que l'acteàl'originedelaviolation
d'un droit fondamental du salarié est susceptible d'emprunter, ce qui inclut bien évidemment
l'exercice des prérogatives patronales, celui-ci devra, afin de produire valablement
ses effets, satisfaire aux exigences de finalité et de proportionnalité. Ce faisant, les pouvoirs
de l'employeur se finalisent au contact des droits fondamentaux du salarié190.
91. Quid des autres contrats spéciaux ? Variations sur la rupture unilatérale
du prêt à usage. - La réglementation du contrat de commodat, ou prêt à usage,
ne contient aucun texte analogue aux articles L. 1121-1 et L. 1321-3 susvisés du Code
186. Sans remettre en cause le principe même d'une telle solution, la Cour européenne des droits de
l'Homme semble toutefois aller plus loin que la Cour de cassation en inclinant vers un contrôle de justification
de l'atteinte à la liberté religieuse du salarié. V. CEDH, 15janv. 2013, Eweida et autres c/RoyaumeUni,
nº 48420/10, 59842/10, 51671/10, 36516/10 : D. 2013, p. 1026, obs. P. LOKIEC et J. PORTA ; RDT 2013,
p. 337, obs. F. LARONZE. V. à propos de cette décision, C. VIGNEAU, « La liberté religieuse dans les relations
de travail. Regards croisés sur des arrêts récents de la Cour de cassation et de la Cour européenne des droits
de l'Homme », in Droits du travail, Emploi, Entreprise, Mélanges en l'honneur du Professeur François
Gaudu, IRJS, 2014, p. 313 et s., spéc. nº 8, p. 318 : « Pour apprécier le caractère justifié de la sanction, les
juges strasbourgeois ne se contentent pas d'examiner la conformité de la tâche aux fonctions du salarié mais
analysent la légitimité de l'objectif poursuivi par l'employeur et la proportionnalité de la sanction ».
187. Cass. soc., 22 nov. 2017, nº 13-19855, Publié au Bulletin : D. 2018, p. 218, note J. MOULY; RDT
2017, p. 797, obs. M.MINÉ.
188. F. GUIOMARD, « Droits fondamentaux et contrôle des pouvoirs de l'employeur », art. préc., spéc.
p. 69 (nous soulignons). Adde dans le même sens, A. LYON-CAEN, « Note sur le pouvoir de direction et son
contrôle », in Mélanges dédiés au président Michel Despax, Presses de l'Université des sciences sociales
de Toulouse, 2001, p. 95 et s., spéc. nº 3, p. 97 ; I. MEYRAT, « La contribution des droits fondamentaux à
l'évolution du système français des relations du travail, Pour une approche critique », art., spéc. p. 45 ; É.
GARAUD, « La violation d'un droit fondamental », art. préc., spéc. nº 245-17.
189. G. LYON-CAEN, Les libertés publiques et l'emploi, rapport au ministre du Travail, de l'Emploi et
de la Formation professionnelle, La documentation française, 1992, nº 151, p. 138.
190. Rappr. F. FAVENNEC-HÉRY, P.-Y. VERKINDT et G. DUCHANGE, Droit du travail, op. cit., nº 325,
p. 299 : « Plus que les textes encadrant l'exercice du pouvoir disciplinaire, du pouvoir de direction ou du
pouvoir réglementaire, c'est le respect des droits fondamentaux et libertés individuelles du salarié qui a fait
évoluer, ces vingt dernières années, les relations sociales dans l'entreprise, du recrutement au licenciement
». Comp. R. VATINET, « Comment les dogmes finissent », in Mélanges en l'honneur du Professeur
Bernard Teyssié, LexisNexis, 2019, p. 883 et s., spéc. nº 10, p. 888 : « L'invocation des droits fondamentaux
devant les conseils de prud'hommes et la Cour de cassation est un luxe - souvent utilisé par des cadres bien
informés et bien conseillés - et la passion que ces droits fondamentaux suscitent dans la doctrine révèle une
posture sans grande portée utile ».
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