Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 41 - Le régime juridique des cultes non reconnus dans la France concordataire (1801-1905) - 205

LES QUALIFICATIONS JURIDIQUES DES CULTES NON RECONNUS
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Dans un second ministère Richelieu, qui désirait poursuivre la politique d'alliance
avec la droite, initiée par Decazes à partir de la fin de l'année précédente116, la promotion
de Siméon était l'unique modification. En mars 1821, ce dernier rappelait au
préfet des Deux-Sèvres les instructions données par Laîné deux ans auparavant : « Je
dois devoir vous rappeler à cette occasion les instructions qui vous ont été transmises
par mon prédécesseur et notamment celles contenues dans une lettre du 13 août 1819.
Il vous faisait connaître que les clefs des églises et presbytères devaient être remises
aux Maires etc. »117. Usant de toutes les possibilités offertes par le Code pénal, l'administration
et le ministère public allaient engager des poursuites, sur le fondement de
l'article 294, contre ceux qui, sans la permission de l'autorité municipale, avaient
consenti l'usage de leur habitation pour l'exercice du culte dissident. Si des poursuites
contre les prêtres eux-mêmes, écrivait le procureur royal de Laval au préfet de la
Mayenne, pourraient avoir l'inconvénient de « fournir le prétexte de crier à la persécution
et d'augmenter le nombre de prosélytes »118,l'application de l'article 294
apparaissait comme un moyen beaucoup plus opportun de lutte contre le schisme :
« Je pense que l'application de l'article 294 du Code pénal est le moyen le
plus expédient pour arrêter et prévenir les rassemblements des sectaires. Vous
jugerez peut-être utile, Monsieur le Préfet, d'insérer dans votre mémorial un
article sur cette matière, avec invitation aux maires de dénoncer tous ceux qui
souffriront de pareils rassemblements chez eux. Cette dénonciation doit indiquer
les dates, les lieux, les noms et demeures des témoins qui pourront certifier les
faits. En appliquant l'article 294, on évite toute discussion d'opinion religieuse,
le ministère public ne s'occupe que d'une réunion sans autorisation »119.
259. La stratégie Laîné avait néanmoins ses opposants. Pasquier, alors garde des
Sceaux, suivant en cela l'avis du procureur général près la Cour royale de Caen120,
écrivait à Laîné en décembre 1818 : « Je pense comme le Procureur Général qu'il
convient de s'abstenir de poursuites contre ces ecclésiastiques qui ne paraissent être
nullement dangereux et de ne point donner à leurs doctrines l'éclat et la publicité d'un
débat judiciaire »121. Au niveau local, sous-préfets et préfets tentaient de faire remonter
les difficultés de mise en œuvre de la stratégie Laîné. Ainsi le sous-préfet de Bressuire
informait-il son supérieur de l'inconséquence qu'il y avait à remettre les églises
dissidentes aux mains des prêtres concordataires, sans y placer un desservant en retour
pour prendre possession de l'édifice et y célébrer régulièrement le service divin. Ne
restait plus alors aux prêtres dissidents qu'à reprendre possession de l'édifice abandonné.
Et il terminait : « Sans doute, si vous l'ordonnez, Monsieur le Baron, je puis
faire fermer les Églises des dissidents et dénoncer à M. le procureur du Roi pour les
poursuites devant les tribunaux les personnes qui pourraient prêter leur maison pour y
célébrer les cérémonies religieuses ; mais en poursuivant ainsi la dissidence, en les
forçant à renoncer à l'espèce de publicité avec laquelle ils exercent leur culte et qui
116. Cf. E. DeWARESQUIEL, B. YVERT, op. cit., p. 297 et s.
117. Lettre du ministre de l'Intérieur au préfet des Deux-Sèvres, 19 mars 1821, AN F 19
118. Lettre du procureur du roi de Laval au préfet de la Mayenne, 26 juillet 1818, AN F 19
119. Ibid. Un jugement du tribunal correctionnel de Laval, rendu le jour précédant la lettre du magis5600.
5600.
trat
au préfet, avait condamné un laboureur et son épouse à 50 francs d'amende en vertu de l'article 294,
pour avoir, sans la permission de l'autorité municipale, accordé l'usage de leur maison pour l'exercice du
culte dissident.
120. Copie d'une lettre deM. le procureur général en la Cour royale de Caen à M. le garde des
Sceaux, 30 novembre 1818, AN F 19
5600.
121. Lettre du garde des Sceaux au ministre de l'Intérieur, 22 décembre 1818, AN F 19
5600.

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