Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 41 - Le régime juridique des cultes non reconnus dans la France concordataire (1801-1905) - 410

410 LE RÉGIME JURIDIQUE DES CULTES NON RECONNUS DANS LA FRANCE CONCORDATAIRE
537. À la veille de la séparation des Églises et de l'État, le pasteur méthodiste
de Paris, Matthieu Lelièvre, avait affirmé que, depuis le premier synode au lendemain
du coup d'État du 2 décembre, les assemblées générales méthodistes s'étaient tenues
«d'année en année, sans être en rien gênés par le pouvoir »879. « Une seule fois, avaitil
précisé, en 1858, un préfet de l'Empire, voulant faire du zèle, frappa d'interdiction
l'un de nos synodes, mais, après informations, il découvrit que nous étions chose trop
insignifiante pour qu'on nous honorât des foudres impériales »880. Dans la note
remise en décembre 1904 à la Commission parlementaire de séparation, Édouard Grüner,
au nom de l'UEEF, des Églises évangéliques méthodistes de France et des Églises
évangéliques baptistes de France881, avait de même affirmé que le régime de liberté -
« liberté de fait [...] et non liberté de droit qui n'a pas encore été inscrite dans les
codes »882, rappelait-il - dont avaient bénéficié les unions d'Églises qu'il représentait,
leur avait permis, de Louis-Philippe aux trente-quatre premières années de la
IIIe
République, de « tenir leurs assemblées générales annuelles et leurs synodes
[...] »883. La libre organisation en « forme fédérative »884 de ces Églises, et des groupes
de protestants disséminés qui s'y rattachaient, avaient si ce n'est déterminé des
bases doctrinales communes, au moins permis une entraide et un soutien mutuel.
538. Que les unions d'associations, et les synodes ou conférences générales des
Cultes protestants non reconnus qui en découlaient, aient pu bénéficier d'une existence
extra-légale, pour user à nouveau de l'expression de Tardif à propos des sociétés
religieuses spécialisées, jusque vers la fin des années 1856-1857, est vérifiable à
l'examen notamment des dossiers des Archives Nationales. Fondée en août 1849,
l'UEEF tint son premier synode en août 1850. Il fallut attendre le ministériat de Rouland
pour que Frédéric Monod, qui présidait la commission de l'UEEF, sollicitât en
1862, en application du décret du 19 mars 1859, l'autorisation formelle de réunir le
879. Lettre du 26 novembre 1904, in L'enquête du Siècle publiée dans Les Cahiers de la Quinzaine,
1905, p. 213.
880. Ibid.
881. Adopté, en novembre 1904, comme point de départ de la poursuite des travaux de la commission
dirigée par Aristide Briand, le projet Combes allait, sur un certain nombre de points, s'aligner sur celui
de la commission (cf. C. BELLON, « Aristide Briand et la séparation des Églises et de l'État. Du travail en
commission au vote de la loi (1903-1905) », Vingtième siècle. Revue d'histoire, 2005, nº 87, p. 63). Ainsi,
l'accord obtenu entre Briand et Combes allait modifier l'article 8 du projet du gouvernement ainsi rédigé :
« Ces associations pourront, dans les formes déterminées par l'article 7 du décret du 16 août 1901, constituer
des unions. Ces unions ne pourront dépasser les limites du département ». Briand obtint que le texte fût
ainsi modifié : « Ces associations pourront [...] constituer des unions dans les limites actuelles des circonscriptions
ecclésiastiques des différents cultes antérieurement reconnus », Le projet Combes et la Commission
(XII), Le Siècle, 9 décembre 1904, publié dans Les Cahiers de la Quinzaine, p. 529. C'est la référence
aux cultes antérieurement reconnus qui avait motivé la note que nous citons. Ainsi Édouard GRÜNER
écrivait-il : « Le texte qui paraît avoir été adopté en dernier lieu par la commission, en n'accordant le bénéfice
de l'article 7 du décret du 16 août 1901 qu'aux différents cultes antérieurement reconnus et dans les
limites actuelles de leurs circonscriptions ecclésiastiques, laisse entièrement hors la loi toutes les Églises
actuellement indépendantes de l'État, comme celles qui pourraient se créer dans l'avenir. Nous avons lieu
d'être justement inquiets d'une telle situation », Note d'É. Grüner à la commission de la séparation au nom
des Églises indépendantes de l'État, 20 décembre 1904, L'enquête du Siècle, Documents (III), publiée dans
Les Cahiers de la Quinzaine, 1905, p. 371. C'est l'auteur qui souligne.
882. Note d'Éd. Grüner à la commission de la séparation au nom des Églises indépendantes de
l'État (...), op. cit., note 1, p. 370.
883. Op. cit., p. 371.
884. Ibid.

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