Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 41 - Le régime juridique des cultes non reconnus dans la France concordataire (1801-1905) - 71

LES CONDITIONS DE LA RECONNAISSANCE JURIDIQUE
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67. D'une manière qui ne saurait surprendre, les dirigeants et acteurs des Églises
non concordataires s'assujettirent eux aussi, dans leur relation avec le pouvoir civil,
au critère numérique. Le cas du pasteur Frédéric Monod et de l'Union des Églises
Évangéliques de France (UEEF) en offrira l'illustration.
III. L'ASSUJETTISSEMENT DES CULTES NON RECONNUS
AU CRITÈRE NUMÉRIQUE : L'EXEMPLEDEL'UNION
DES ÉGLISES ÉVANGÉLIQUES DE FRANCE
68. Zélateur opiniâtre du « librisme » réformé français, F. Monod100 entendit
réaliser, en dehors de l'Église officielle, un programme de réforme ecclésiologique
qui supposait une rupture préalable du pacte passé avec l'État français. Il n'en restera
pas moins contraint, pour tenter de faire face aux difficultés qui lui seront faites par
«l'Administration des Cultes », d'apporter la preuve de l'importance du mouvement
religieux dont il fut l'instigateur et le moteur.
69. L'histoire de l'UEEF était en effet l'histoire d'un schisme imparfait, au sein de
l'Église réformée, dont Monod et quelques autres eurent l'initiative101. Lorsque ce dernier
démissionna en janvier 1849 de sa fonction de pasteur concordataire qu'il occupait
depuis trente ans, c'était en appelant de ses vœux l'institution d'une Église réformée
« libre », dotée d'une identité ecclésiologique102 propre, fondée sur l'adoption d'une profession
de foi103 et sur un retour à la constitution traditionnelle des calvinistes français,
révélateurs à ce propos. Au sein du comité des Cultes de l'Assemblée constituante d'abord. Le comité rédigea,
en effet, un rapport dans lequel il consacrait le maintien de la reconnaissance et du budget des Cultes. Le
premier des devoirs de l'État, y lisait-on, était de pourvoir à l'entretien matériel des Cultes. Il était cependant
précisé : « [...] il est bien entendu que ce devoir ne commence que là où le culte à soutenir par des subsides est
un culte sérieux qui répond à des besoins assez généraux et assez nombreux pour comporter l'organisation et
le maintien d'un service public ». On trouvera le rapport in P. PRADIÉ, La question religieuse en 1682, 1790,
1802 et 1848 et historique complet des travaux du comité des Cultes de l'Assemblée constituante de 1848,
Paris, Sagnier et Bray, 1849, pages 187 à 196. Au moment du vote de l'article 7 de la constitution de 1848
ensuite : « Chacun professe librement sa religion et reçoit de l'État, pour l'exercice de son culte, une égale
protection. Les ministres, soit des cultes actuellement reconnus par la loi, soit de ceux qui seraient reconnus à
l'avenir, ont le droit de recevoir un traitement de l'État ». Le député Étienne-Ursin BOUZIQUE, auteur d'un
amendement tendant à accroître le nombre des Cultes subventionnés par l'État, proposa de constitutionnaliser
le critère numérique, en établissant qu'un salaire serait accordé aux ministres des cultes « lorsqu'ils compteront
au moins 50.000 adhérents », MU, 19 septembre 1848, p. 2496. L'amendement fut rejeté.
100. Monod Frédéric (1794-1863). Membre revivaliste du « clan » Monod, il débute comme suffragant
à l'Oratoire en 1818. Il est nommé pasteur titulaire à Paris en 1832. Son activité sera intense au sein de
l'Église officielle et en dehors. Il est à l'origine de presque toutes les œuvres d'évangélisation parisienne et
anime un grand nombre de « sociétés » qui, bien souvent, pallieront, en l'absence de synode national, les
besoins d'entente sur le plan national. Il sera, à partir de 1824, le principal rédacteur des Archives du christianisme,
journal de tendance théologie du Réveil, qui deviendra l'organe de presse des Églises libres et
qu'il dirigera jusqu'à sa mort.
101. Notamment Agénor de Gasparin (1810-1871). Fils du ministre de l'Intérieur de la monarchie
de Juillet, Adrien de Gasparin, dont il deviendra chef de cabinet en 1836. Il entre au Conseil d'État en
1832, puis sera élu député de la Corse de 1842 à 1846. À cette dernière fonction, note le Dictionnaire
biographique des membres du Conseil d'État, il se fera « remarquer par l'ardeur de son protestantisme,
réclamant la liberté du colportage biblique et des prédications évangéliques [...] », p. 231.
102. Nous reprendrons la définition donnée par S. FATH : « On entend par ecclésiologie l'étude des
diverses formes et fonctions que peut prendre une Église », Du ghetto au réseau (...), note 4, p. 86.
103. En termes profanes, la profession de foi désirée par Monod et Gasparin serait un texte normatif
de nature dogmatique s'imposant aux interprétations bibliques individuelles. L'Église devra l'exprimer
publiquement et positivement, et imposer l'adhésion, sans juger de la sincérité, de chacun de ses membres.
Face au modèle multitudiniste de l'Église réformée concordataire, Monod préférait une Église de

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