Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 41 - Le régime juridique des cultes non reconnus dans la France concordataire (1801-1905) - 8

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LE RÉGIME JURIDIQUE DES CULTES NON RECONNUS DANS LA FRANCE CONCORDATAIRE
une « reconnaissance du second ordre », celle de cultes licites et autorisés mais non
reconnus. Pourtant tolérance n'est pas liberté ; transférée au Conseil d'État, l'autorisation
préalable subsiste, toujours sujette à l'appréciation de l'administration et à
révocation. F. Zarlenga établit clairement l'impressionnante continuité de la politique
religieuse à l'égard de ces cultes non reconnus à travers tous les régimes, de la monarchie
jusqu'à la Troisième République en cours de laïcisation.
Quelles leçons tirer de cette remarquable investigation du point de vue de l'histoire
juridique de la liberté religieuse ? La reconnaissance avec sa sœur siamoise la
non-reconnaissance et le rôle que s'attribue l'État sont au cœur de cette histoire juridique.
Au terme de cette thèse il est possible d'en interroger la signification au regard
du principe de liberté religieuse : quel statut peut naître d'un refus de reconnaître ;
quel lien existe-t-il entre la reconnaissance ou la non-reconnaissance et la liberté ?
La non-reconnaissance, comme la reconnaissance, naît de la prétention de la loi à
définir la religion. En 1801 celle-ci hésitait, d'ailleurs, entre un critère numérique et
celui de l'ancienneté. Pour les opinions « même religieuses » qui n'ont pas été reconnues,
des promesses de 1789 il ne reste donc plus que cette part de liberté insaisissable
par l'État, celle de la conscience. Écartées les persécutions, s'établit une tolérance
du culte privé au domicile familial dont l'administration et le juge ne manquent
néanmoins pas de contrôler rigoureusement la réalité, au moins pendant la première
moitié du siècle. En ce qui concerne l'expression de ces opinions, le silence de la loi
sur ces cultes qui n'ont pas la reconnaissance légale parce qu'ils sont dissidents ou
nouveaux conduit logiquement à l'application du droit commun. Il y aurait d'ailleurs
à ce sujet à faire une comparaison avec une autre situation de non-reconnaissance,
celle des congrégations religieuses qui ont vécu pour la plupart dans une situation
de tolérance administrative. Pour s'en tenir à la promesse de la Déclaration des droits
de 1789 en son article 5, la non-reconnaissance qui n'était pas une interdiction de
«l'opinion, même religieuse » aurait dû constituer un état de liberté ; innommée par
la loi, elle aurait dû jouir de ce principe libéral d'interprétation. Mais le droit commun
n'est pas, au XIXe
siècle, un droit vraiment libéral. L'expression collective des opinions
restait soumise aux articles 291 à 294 du Code pénal. L'interdiction des réunions
ou associations de plus de 20 personnes, en l'absence d'autorisation préalable,
contraignit les juges à élaborer praeter legem un statut qui ne dit pas son nom à
l'égard de ces petits groupes convictionnels. Il consista à les maintenir à tout prix
dans le cadre de l'interdiction des articles 291 à 294 en séparant artificiellement les
opinions religieuses de leur expression collective. Comme l'analyse en détail
F. Zarlenga, en réponse aux arguments des avocats des Églises ou sectes poursuivies,
les interprétations juridiques les plus subtiles fleurirent sur les notions de réunion ou
d'association pour s'assurer de les en exclure, notamment le faux-semblant de la distinction
du culte et de l'association. Dupin synthétisa un néo-gallicanisme qui
exprima le sentiment de l'administration pour tout le siècle. Les juges ont comblé
les vides de la législation dans le sens d'un gallicanisme politique préservé par tous
les régimes jusqu'en 1905 à l'exception de la Seconde République. Ils ont confiné ces
convictions, qu'elles soient hétérodoxes ou nouvelles, dans le seul culte privé familial
en récusant toute construction prétorienne de la personnalité morale. On ne doit pas
séparer l'appréciation du régime de la liberté religieuse de l'état général des libertés
en France au XIXe
siècle. C'est la reconnaissance qui permet aux quatre cultes privilégiés
d'échapper au droit commun bien peu libéral des libertés de réunion et d'association.
F. Zarlenga montre que le développement des libertés sous la Troisième République
ne profite pas vraiment aux cultes non reconnus jusque et y compris avec la loi

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