Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 41 - Le régime juridique des cultes non reconnus dans la France concordataire (1801-1905) - 83

LES CONDITIONS DE LA RECONNAISSANCE JURIDIQUE
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Simonisme est une religion »158, Dupin devait victorieusement inciter les juges de la
chambre criminelle à respecter l'esprit du droit concordataire : « Vos arrêts ne s'appliquent
qu'à des religions dont l'existence est reconnue dans la société, et non à une
association poursuivant un but politique et mondain plutôt que religieux, et que vous
avez déjà justement qualifiée lorsqu'il s'est agi de prononcer sur ses prétentions aux
dispenses du service de la garde nationale que la loi accorde aux ministres des
cultes »159.
86. Le procès des Saint-Simoniens n'était-il qu'une bataille perdue dans la
guerre déclarée par la religion nouvelle contre le catholicisme et contre l'alliance de
ce dernier avec l'État orléaniste ? Dans un certain sens, malgré l'enthousiasme manifesté
les premiers mois qui suivirent le procès par les apôtres disséminés en France et
en Europe, Augustin Bonnetty relatait, dès 1835, dans les Annales de Philosophie
chrétienne, la faiblesse des résultats obtenus : « Et cependant huit mois ne s'étaient
pas passés que tout ce bruit avait cessé ; les chaires étaient muettes ; les fonds à sec,
Le Globe mort et les apôtres réduits à une retraite forcée... Le saint-simonisme avait
passé, et le christianisme poursuivait tranquillement sa carrière sans presque avoir fait
attention à ce faible ennemi »160. Cependant, le Saint-Simonisme éclaté, disséminé
dans la presse, exerça une influence remarquable sous le Second Empire dans la propagation
des idées d'irréductibilité du catholicisme et du monde moderne, d'antiultramontanisme
et d'anticléricalisme. « Ainsi, écrivait Pierre Guiral, les saint-simoniens
ont peut-être pesé davantage sur l'anticléricalisme de certains d'entre eux que
par le réveil éphémère d'une flamme religieuse qui devait vite s'éteindre au scepticisme
du siècle. Lamennais l'avait pressenti qui voyait dans l'église saint-simonienne
" un club sous un clocher " . Le club a duré plus longtemps que le clocher »161.
87. Par-delà la trajectoire saint-simonienne et son influence sur le siècle, le procès
des Saint-Simoniens, qui se déroula de 1831 à la fin de l'année 1832, montre
encore une fois comment le pouvoir politique issu de la révolution de 1830, après
avoir attisé un profond anticléricalisme162, se rendit très vite à la nécessité de l'ordre
dans les masses populaires. Guizot lui-même, en 1832, célébra à nouveau l'idée « que
la religion, principe éminemment social, répand[ait] et fortifi[ait] dans les esprits
l'amour de l'ordre »163. Et Tocqueville d'observer que la plupart des libéraux
158. A. CRÉMIEUX in Enfantin et autres - Aff. des Saint-Simoniens, 15 décembre 1832, S.33.1.42.
159. DUPIN, ibid.
160. Cité par P. GUIRAL, « Notes sur l'anticléricalisme des Saint-Simoniens », ASSR, nº 10, 1960,
p. 40.
161. Op. cit., p. 38.
162. Henri Heine écrivait peu après : « La vieille religion est radicalement morte ; elle est déjà tombée
en pourriture. La majorité des français ne veut plus entendre parler de ce cadavre, et se tient le mouchoir
devant le nez quand il est question d'Église », De la France, cité par J.-P. VAN DETH, Ernest Renan.
Simple chercheur de vérité, Paris, Fayard, 2012, p. 60. Quant à Lamennais, il s'inquiétait dans l'Avenir du
1er
juillet 1831 de la connivence du ministre de l'Intérieur, Camille de Montalivet, avec la dissidence de
l'abbé Chatel : « On répand depuis quelques jours dans le public le bruit que le ministère se propose de
livrer aux sectateurs de M. Châtel trois monuments publics, c'est-à-dire trois églises. [...] C'est une manière
de détruire le catholicisme qui a l'avantage d'être sûr, l'inconvénient d'être lent, et, tout calculé, nous nous
en contenterons », cité par P. BOUTRY, « Théologie de l'air du temps et ecclésiologie de circonstance (...),
op. cit., p. 97.
163. Cité par H. GUILLEMIN, Histoire des catholiques français au XIXe
siècle, Éditions du milieu
du monde, Paris-Genève-Montréal, 1947, p. 92. En 1834, la Secrétairerie d'État du Pape (institution de la
curie romaine) écrit à Monseigneur Garibaldi, internonce à Paris : « Notre confiance repose entière dans les
bonnes dispositions de Sa Majesté et dans l'excellence du nouveau ministre des Cultes [Persil], qui,

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