Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 41 - Le régime juridique des cultes non reconnus dans la France concordataire (1801-1905) - 87

LES CONDITIONS DE LA RECONNAISSANCE JURIDIQUE
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religieuses dans la ville de Caen176. Dans le courant du mois de mai, pourtant, le
ministre, subitement éclairé, céda à la demande du prédicateur anglais. Il écrivait au
préfet du Calvados que, depuis l'époque de son refus d'accueillir la demande du
ministre méthodiste, de nouvelles circonstances avaient motivé une décision contraire.
Le critère de l'ancienneté semblait à présent jouer en faveur de l'assemblée méthodiste
: « [...] M. Lebas m'a adressé un nouveau mémoire dans lequel il est établi [...],
que depuis un grand nombre d'années les méthodistes wesleyens se réunissent dans
diverses localités de votre département [...]. Ils demandent la même faveur pour la
ville de Caen, et je ne vois aucun inconvénient à la leur accorder »177. Dans son
mémoire, Lebas, il est vrai, insistait sur l'implantation ancienne du méthodisme à
Caen : « [...] j'appellerai sur ce point, Monsieur le Ministre, votre attention particulière,
m'étant aperçu par votre réponse que vous supposiez à tort que les méthodistes
wesleyens s'introduisent à Caen pour la première fois, comme une secte nouvelle,
tandis qu'au contraire, leur Église y est presque aussi ancienne que l'Église réformée
elle-même »178. « Leur culte, poursuit-il, a été reconnu par les divers gouvernements
qui se sont succédés en France depuis 50 ans surtout dans cette partie du royaume ; je
ne réclame donc point auprès de vous, Monsieur le Ministre, en faveur d'une société
naissante, ou qui se produirait sous une dénomination nouvelle, mais je réclame en
faveur d'un culte qui a autant de droits à être protégé que le culte des catholiques
romains ou celui de l'ancienne Église réformée »179. Instruit sans aucun doute de
l'hostilité du gouvernement à l'égard de la propagation des nouveautés religieuses
qui avaient fleuri au lendemain de 1830, Lebas soulignait la différence qui existait
entre le méthodisme, religion chrétienne, et des théories philosophiques sans lendemain
prenant le culte pour prétexte, ou pour point de départ : « Il ne s'agit pas ici de
quelque expérience saint-simonienne ou des théories d'un autre abbé Châtel. Les
méthodistes wesleyens ont un culte déjà ancien et, quoique peu nombreux en Normandie,
ils se sont fait remarquer par leur loyauté, leur conduite paisible, et leur
obéissance aux lois »180.
94. On n'imagine difficilement que la seule opiniâtreté du missionnaire anglais
aurait pu, seule, modifier la décision du " ministre des Cultes " .Ce n'est qu'après
l'intervention, non seulement de l'ambassadeur d'Angleterre, Lord Granville181,
mais surtout de Guizot, en faveur de l'assemblée wesleyenne de Caen, que le ministre
fut heureusement éclairé sur la longue présence du méthodisme dans les diverses localités
de cette partie de la Normandie. « J'ai l'honneur, lui écrivait Guizot, de vous
transmettre une lettre qui a dû vous être adressée directement, et que je me permets
de recommander à toute votre bienveillance. Les personnes qui l'ont écrite n'ont réellement
d'autres objets que de se réunir pour prier Dieu en commun, selon leur conscience
et leur habitude. Il y a déjà longtemps qu'elles pratiquent leur modeste culte.
Elles appartiennent à la secte la plus nombreuse peut-être, et certainement la plus paisible,
la plus conservatrice des dissidents anglais »182.
AN F19
176. Lettre du ministre de la Justice et des Cultes au préfet du Calvados, 10 février 1838,
10930.
177. Lettre du ministre de la Justice et des Cultes au préfet du Calvados, mai 1838, AN F19
178. Mémoire de Joseph Lebas au ministre de la Justice et des Cultes, 20 avril 1838, AN F19
AN F 19
10930.
182. Lettre de Guizot au ministre de la Justice et des Cultes, 27 avril 1838, AN F 19
10930.
10930.
10930.
179. Ibid.
180. Ibid.
181. Lettre de l'ambassadeur d'Angleterre au ministre de la Justice et des Cultes, 12 mars 1838,

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