Bibliothèque de droit international et droit de l'Union européenne - Tome 140 - Les droits du migrant en mer - 173

LA CONDITION DE MIGRANT EN MER
173
nature de droit subjectif, encore moins de droit fondamental. Ainsi, la Convention
de Genève ne régit ni la procédure d'accès àl'asile en présence d'un besoin manifeste
de protection internationale (elle ne confère au migrant aucune garantie procédurale
individuelle166), ni les modalités de l'examen d'un tel besoin, ni même encore les
effets attachés à la reconnaissance d'un tel besoin (délivrance d'un titre de séjour167,
transfert vers un pays sûr168...). La Convention se contente de guider les États dans la
détermination du statut de réfugié et d'offrir un statut minimal au réfugié pour le protéger
d'un refoulement, d'un éloignement arbitraire ou d'une discrimination, sans
pour autant imposer à l'État d'accueil son admission ou son maintien sur son territoire.
En somme, si le droit d'asile a bien pour but de faire naître une protection internationale,
sa reconnaissance parcellaire dans le DIEDH et la simple référence qui en
est faite dans la Convention de Genève169 ne suffisent ni à garantir son accès à tout
individu en danger dans le monde170, ni à autoriser un droit de séjour sur le territoire,
alors même que le migrant répondrait à la définition du réfugié consacrée dans la
Convention. Dès lors, tout État Partie à la Convention de Genève peut refuser l'accès
àl'asile à sa frontière171, poser des conditions trop strictes qui entravent sa jouissance
ou tolérer la présence du demandeur d'asile sans jamais régulariser son statut.
320. Un droit procédural. Tout comme le droit d'émigrer, le droit d'asile apparaît
alors fictif si les États n'assistent pas le migrant dans la recherche d'une protection
internationale ou entravent délibérément son déplacement sans examiner formellement
son statut. En réalité, le droit d'asile est un droit purement procédural. Celui-ci
a moins pour but de conférer une protection internationale inconditionnelle que de
prévenir le risque d'arbitraire et empêcher un refoulement. Si un droit fondamental
et substantiel à l'asile existait vraiment, il prohiberait le refus de conférer une protection
internationale à tout demandeur d'asile qui relèverait de la juridiction de l'État
requis et en tout lieu, ce qui n'est pas le cas. Le contenu du droit d'asile dépend de la
législation de chaque État à défaut d'une procédure d'asile internationale et uniforme.
En effet, à la différence d'autres droits substantiels destinés à lutter contre l'arbitraire
(interdiction des expulsions collectives, droit à la liberté et à la sûreté), un accès
absolu au droit d'asile nuirait au pouvoir souverain des États de définir les conditions
d'accès des étrangers à leur territoire.
166. Y compris au titre du droit d'ester en justice, par ailleurs non explicitement rattaché au rejet de
la demande d'asile ou au refus d'accéder à la procédure d'asile.
167. Elle fait référence « aux réfugiés qui résident régulièrement sur leur territoire » sans prétendre
réglementer ledit droit au séjour.
168. La Convention de Genève se contente de souligner « qu'il peut résulter de l'octroi du droit
d'asile des charges exceptionnellement lourdes pour certains pays et que la solution (...) ne saurait, dans
cette hypothèse, être obtenue sans une solidarité internationale » (préamb., al. 5 Convention de Genève
relative au statut des réfugiés).
169. Acte final de la Conférence de Plénipotentiaires des Nations Unies sur le statut des réfugiés et
des apatrides par. IV, D.
170. Le droit d'asile ne saurait avoir vocation à faciliter le déplacement international de tout étranger
qui se trouve dans un pays tiers incapable d'examiner sa demande d'asile et qui ne peut plus prétendre à la
protection de son pays d'origine, en imposant aux États de destination requis de les faire accéder à leur
frontière (visa) ou d'examiner directement la demande d'asile depuis l'étranger (asile diplomatique) ; tout
comme le droit d'émigrer ou le droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants
(CEDH [GC], M.N. et autres c. Belgique (déc.), op. cit., par. 123).
171. Convention de Genève autorise sur le principe l'éloignement forcé d'un demandeur d'asile vers
un pays sûr (art. 31 par. 2 et art. 33 Convention de Genève relative au statut des réfugiés).

Bibliothèque de droit international et droit de l'Union européenne - Tome 140 - Les droits du migrant en mer

Table des matières de la publication Bibliothèque de droit international et droit de l'Union européenne - Tome 140 - Les droits du migrant en mer