Bibliothèque de droit international et droit de l'Union européenne - Tome 140 - Les droits du migrant en mer - 206

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LESDROITSDU MIGRANT EN MER
388. En tout état de cause, si une situation de détresse est manifeste, il appartient
aux agents de l'État de procéder au sauvetage des passagers, en les transbordant
avec toute la diligence requise. La sauvegarde de la vie et la sécurité des migrants
doivent être la priorité dans ce type d'opérations63. À cet égard, le Règlement
nº 656/2014 applicable à la lutte contre l'immigration irrégulière en mer dans le
cadre d'une opération conjointe précise que « [l]es mesures prises auxfins d'une opération
en mer sont exécutées defaçon à garantir, en toutes circonstances, la sécurité
des personnes interceptées ou secourues (...)64 ».
389. À noter que le recours à la force des agents d'un État côtier (article 25 de la
CMB) à l'encontre d'un navire de sauvetage transportant des rescapés et qui pénètre
sans autorisation dans la mer territoriale ou les eaux intérieures n'apparaît pas non
plus raisonnable ;d'abord eu égard aux considérations d'humanité dont il devrait
être tenu compte dans ces circonstances, ensuite eu égard à l'obligation coutumière
de coopérer à la sauvegarde de la vie humaine en mer, réitérée dans la Convention
SOLAS65.
390. Recours illicite à la force à l'encontre des navires humanitaires. De
plus en plus d'actes hostiles aux navires humanitaires, impliquant l'usage d'armes à
feu, sont recensés en haute mer. Les garde-côtes libyens ont déjà entravé à plusieurs
reprises une opération de sauvetage par ces navires dans la zone SAR libyenne (définie
unilatéralement en 2017 sans l'assentiment de l'OMI), quand ils ne les menacent
pas de recourir à la force s'ils ne coopèrent pas à la remise immédiate des rescapés66.
En août 2017, ils procèdent à plusieurs tirs de sommation en rafale à proximité immédiate
du navire humanitaire Open Arms posté au large des côtes libyennes. En novembre
de la même année un patrouilleur libyen, réquisitionné par le MRCC de Rome
pour procéder au sauvetage de migrants en détresse au large de la Libye, entrave délibérément
les efforts du navire humanitaire Sea-Watch 3 pour se porter à leur secours,
également présent sur zone. Les garde-côtes parviennent à transborder de force 47
migrants et à les ramener en Libye. Cette affaire a donné lieu à une requête pour
violation du droit à la vie des migrants par l'Italie communiquée à la Cour EDH en
juin 201967 ;l'affaire est pendante. En octobre 2019, le navire humanitaire Alan Kurdi
subit des tirs de sommation en l'air et sur l'eau en provenance de trois vedettes libyennes,
au large des côtes de la Libye. Le chef du commandement naval de Tripoli rejette
alors toute implication du GACS et du LCGPS (corps officiel des garde-côtes libyens)
sans identifier les auteurs. En juillet 2021, le navire Sea-Watch 4 essuie des menaces
de recours à la force de la part des garde-côtes libyens, lui enjoignant de quitter immédiatement
la zone SAR libyenne. Comme dans les autres cas, les autorités libyennes
63. À ce sujet, l'art. 9 par. 2, h) du Règlement (UE) nº 656/2014 (applicable pour rappel à une opération
conjointe de lutte contre le trafic de migrants en mer) dispose que « lorsqu'un navire est considéré
comme étant dans une situation d'incertitude, d'alerte ou de détresse, mais que les personnes se trouvant à
bord refusent toute assistance, l'unité participante (...) [prend] toute mesure nécessaire à la sécurité des
personnes concernées, tout en évitant de prendre des mesures susceptibles d'aggraver la situation ou
d'augmenter les risques de blessures ou de pertes de vies humaines ».
64. Art. 3 Règlement (UE) nº 656/2014 ; v. aussi art. 82 par. 3 Règlement (UE) 2019/1896.
65. Annexe, chap. V, règle 33 par. 1.1 Convention SOLAS.
66. À noter que la simple menace de recours à la force est illicite si le recours à la force envisagé est
lui-même illicite : CIJ, Licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, avis consultatif, 8juill.
1996, C.I.J. Recueil 1996, p. 226, par. 47 ; Tribunal arbitral, « Délimitation de la frontière maritime entre
le Guyana et le Suriname » (Guyane c. Suriname), 17 sept. 2007, RSA, vol. XXX, pp. 1-144, par. 445-446.
67. CEDH (1re
sect.), S.S. et autres c. Italie, op. cit.

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