Bibliothèque de droit public - Tome 333 - Nouvelles recherches sur la condition juridique des établissements publics - 150

150 NOUVELLES RECHERCHES SUR LA CONDITION JURIDIQUE DES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS
de la mise à disposition des lignes de transport public à la régie autonome sans avoir
« pour effet de modifier la condition juridique des biens du domaine public relevant
des collectivités locales », à savoir la Ville de Paris et le département de la Seine.
L'article 10 de ladite loi prévoyait même qu'en cas de désaffectation des biens ou de
liquidation de la régie autonome, les biens mis à la disposition de la RATP seront soit
« remis aux collectivités dont ils relèvent », soit « répartis entre les collectivités locales
intéressées ». Le processus de formation de la RATP a donc été neutre quant à la
propriété des lignes de transport en commun30. La propriété de ces lignes a depuis été
transférée au Syndicat des Transports d'Île-de-France31.
L'autorité politique décide ainsi pour certains établissements de modifier seulement
le mode de leur administration en choisissant la forme de l'établissement public
sans changer l'affectation des biens qui le compose ou la nature de leur propriété. Elle
peut également, pour former un établissement public, décider d'affecter un ensemble
de biens à une nouvelle destination.
B. LA DÉCISION D'AFFECTATION
232. L'autorité politique décide dans certaines situations d'affecter un ensemble
de choses, une masse de biens, à une destination déterminée et impose la forme de
l'établissement public pour son administration. Il n'y a pas en effet de choses dont la
gestion serait par nature réservée à l'État ou qui relèverait originellement de l'État. À
l'inverse des choses dont disposent les personnes juridiques, celles affectées pour la
formation d'un établissement public ne sont pas circonscrites. L'autorité politique,
maîtresse de l'indisponible, est en effet libre de décider, pour la formation d'un établissement
public, de modifier le statut juridique des choses. Il importe peu que les
choses soient appropriées ou qu'elles ne le soient pas, qu'elles le soient par des entités
privées ou qu'elles le soient par des entités publiques ou administratives (1). Si le
procédé de l'affectation permet de détacher un ensemble de choses et de le fixer à
une destination déterminée, la garantie de son maintien n'est que temporaire et précaire.
En effet, l'autorité politique est toujours susceptible de modifier la destination
fixée initialement (2).
1. L'indifférence de l'origine des biens affectés
233. L'affectation, pour reprendre les termes de Frédéric Zenati-Castaing et
Thierry Revet, « provoque une restriction des utilités de la chose »32. Elle n'implique
donc pas nécessairement une annihilation de la propriété. Elle provoque seulement
30. La Cour des comptes, dans son rapport public annuel publié au mois de février 2010, p. 298, a
qualifié de « disparate » le « régime de la propriété des infrastructures affectées à la RATP » existant avant
la loi du 8 décembre 2009 et a relevé trois catégories de biens affectés aux exploitations de la RATP. Ce
n'est que par l'article 5 de la loi du 8 décembre 2009 que les infrastructures utilisées par la RATP lui seront
apportées en pleine propriété.
31. C'est l'article 19 de la loi nº 64-707 du 10 juillet 1964 portant réorganisation de la région parisienne
qui avait engagé cette opération au bénéfice du syndicat des transports parisiens, devenu STIF
depuis la loi du 13 décembre 2000. Elle fut mise en œuvre par les décrets nº 67-792 du 19 septembre
1967 relatif à l'entrée en vigueur des dispositions de la loi du 10juillet 1964 portant réorganisation de
la région parisienne et nº 69-672 du 14juin 1969 portant règlement d'administration publique pour l'application,
en ce qui concerne les biens affectés à la Régie autonome des transports parisiens, de l'article 19
de la loi du 10juillet 1964 portant réorganisation de la région parisienne.
32. Frédéric Zenati-Castaing et Thierry Revet, Les biens, op. cit., p. 356
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