Bibliothèque de droit public - Tome 333 - Nouvelles recherches sur la condition juridique des établissements publics - 174

174 NOUVELLES RECHERCHES SUR LA CONDITION JURIDIQUE DES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS
dans un délai de six mois des actions en revendication ou en reprise des biens donnés
ou légués à raison d'un changement de destination. L'Église s'opposa à la formation
d'associations cultuelles, si bien que, après la décision de l'autorité politique d'organiser
la dévolution immédiate des biens des anciens établissements publics du culte
non réclamés à des établissements publics d'assistance ou de bienfaisance (article 2 de
la loi du 2janvier 1907), de nombreuses actions en revendication ou en reprise des
biens furent intentées, sur le fondement des dispositions de l'article 9 de la loi de
1905. La multiplication de ces litiges a obligé l'autorité politique à réorganiser le
mode de dévolution des biens des établissements publics du culte de la loi de 1905.
Par la loi du 13 avril 1908, l'autorité politique, contrairement à la jurisprudence qui
considérait que les restrictions imposées par la loi de 1905 à l'exercice des actions en
revendication ou en reprise des biens (limitation du droit d'agir aux héritiers en ligne
directe dans un délai de 6 mois) ne s'appliquaient pas à l'action en révocation d'une
libéralité pour cause d'inexécution de l'article 954 du Code civil, décida, entre autres
choses, d'étendre ces restrictions à « toute action en reprise, qu'elle soit qualifiée en
revendication, en révocation ou en résolution ».
274. Si, pour Léon Michoud, cette opération de dévolution des biens des établissements
publics du culte « est contraire aux principes juridiques et à
l'équité »110,c'est en raison de son caractère politique. Des arguments développés
dans le cadre de la résolution judiciaire de litiges nés à l'occasion de la distribution
des biens des anciens établissements publics du culte confirmèrent cette lecture politique.
Par
exemple, la question s'est posée de savoir si l'article 9§ 3 de la loi du
9 décembre 1905 sur la séparation des Églises et de l'État, prévoyant que l'auteur
d'un legs ou d'une donation ou son héritier en ligne directe ont le droit, par l'exercice
d'une action en reprise ou en revendication, de demander le retour des biens légués ou
donnés en cas d'inexécution des charges ou des conditions du legs ou de la donation,
pouvait être interprété à l'aune de l'article 3 de la loi du 13 avril 1908 interdisant à
l'État, aux départements, aux communes et aux établissements publics de remplir
des charges pieuses ou cultuelles111, comme excluant du bénéfice de l'action en résolution
les héritiers en ligne collatérale ?
La Cour de cassation, dans un arrêt du 29 mars 1911, suivant l'avis de son avocat
général, décida que l'article 9§ 3 précité vise « dans sa généralité toute action tendant
à la reprise des biens, [qu'elle soit qualifiée en revendication, en révocation ou en
résolution] » et qu'une telle action « ne peut être intentée que par l'auteur de la disposition
ou par ses héritiers en ligne directe »112.À l'occasion de la résolution de cette
affaire, l'avocat général rappela dans ses conclusions, la liberté de l'autorité politique
pour organiser le devenir d'un bien d'un établissement public. Ici spécifiquement,
110. Léon Michoud, La théorie de la personnalité morale,t. 2, op. cit., p. 500.
111. L'article 9§ 3 de la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des Églises et de l'État prévoyait
initialement : « Toute action en reprise ou en revendication devra être exercée dans un délai de six mois à
partir du jour où le décret aura été inséré au Journal officiel. L'action ne pourra être intentée qu'en raison de
donations ou de legs et seulement par les auteurs et leurs héritiers en ligne directe ».
(111) L'article 3 de la loi du 13 avril 1908, qui l'abroge, dispose : « Toute action en reprise, qu'elle soit
qualifiée en revendication, en résolution ou en résolution, doit être introduite dans le délai ci-après déterminé.
Elle ne peut être exercée qu'en raison de donations, de legs ou de fondations pieuses, et seulement
par les auteurs et leurs héritiers en ligne directe ».
112. C. cass., 29 mai 1911, Gaz. Palais, 1911, p. 672.
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