Bibliothèque de droit public - Tome 333 - Nouvelles recherches sur la condition juridique des établissements publics - 279

L'ORIENTATION DE L'ADMINISTRATION PAR LE PRINCIPE DE SPÉCIALITÉ
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justifier l'abandon de la forme de l'établissement public. Ainsi, le principe de spécialité
a été l'une des raisons avancées pour la transformation des établissements publics
industriels et commerciaux Électricité de France et Gaz de France en sociétés anonymes
: « La seconde autre raison rendant opportun un changement de la forme juridique
des entreprises est le caractère très contraignant pour elles de leurs principes
de spécialité. Ce principe de spécialité est consubstantiel au statut d'établissement
public et interdit à un établissement public d'entreprendre des activités extérieures à
la mission, définie par la loi, pour laquelle il a été créé. Concrètement, ce principe
interdit aujourd'hui aux deux entreprises de proposer à leurs clients des offres multiénergies
et limite très strictement les services qu'elles peuvent offrir. Il contraint donc
leurs offres commerciales en ne leur permettant pas de présenter des offres identiques
à celles que leurs concurrents peuvent proposer »82. Dans le même sens, Ladislas
Poniatowski, rapporteur pour la commission des affaires économiques et du plan sur
le même projet de loi, affirme que le principe de spécialité est un « véritable carcan
qui bride leur développement »83. Certains responsables politiques ont également
estimé pour certaines entreprises que l'assouplissement du principe de spécialité par
la reconnaissance de la possibilité pour les administrateurs d'établissements publics
de diversifier leurs activités était insuffisant. Par exemple, la transformation d'Aéroports
de Paris en société anonyme a notamment été justifiée en raison de la trop forte
contrainte du principe de spécialité. Jean-François Legrand, rapporteur sur le projet de
loi relatif aux aéroports, reprenant les considérations de la Cour des comptes, estimait
que la diversification des activités d'Aéroports de Paris mise en œuvre par ses administrateurs
ne pouvait être développée plus avant sans contrarier les conditions de
diversification fixées par le Conseil d'État84.
459. Bien entendu, afin d'éviter de contraindre trop fortement le développement
d'un établissement public, l'autorité politique peut fixer un objet statutaire large85.
Elle peut également autoriser directement dans les statuts un établissement public à
exercer « toutes activités qui se rattachent directement ou indirectement » à sa mission
principale86. En revanche, un objet statutaire défini trop largement, en même temps
qu'il augmente le pouvoir d'action des administrateurs, diminue le contrôle que l'autorité
politique peut exercer sur la gestion de l'établissement public. Aussi, il est
nécessaire pour l'autorité politique de définir précisément l'objet statutaire, sauf à
82. Jean-Claude Lenoir, Rapport sur le projet de loi relatif au service public de l'électricité et du gaz
et aux entreprises électriques et gazières, rapport préc., p. 16.
83. Ladislas Poniatowski, Rapport sur le projet de loi relatif au service public de l'électricité et du
gaz et aux entreprises électriques et gazières, nº 386, Doc. parl. S., juin 2004, p. 15.
84. Jean-François Le Grand, Rapport sur le projet de loi relatif aux aéroports, nº 49, Doc. parl. S.,
novembre 2004.
85. Stéphane Rodrigues, « Actualité du principe de spécialité des entreprises publiques. À propos de
la diversification d'Électricité de France-Gaz de France », RFDA, 1994, p. 1146 : « La spécialité d'un établissement
peut fort bien être largement définie par le texte législatif qui l'institue. La loi du 9 avril 1898
portant statut des chambres de commerce et d'industrie en fournit un exemple significatif lorsqu'elle autorise
ces institutions, au-delà de leur mission de représentation et de défense des intérêts professionnels, à
gérer par exemple des écoles de commerce (tel est le cas, entre autres, de la chambre de commerce et
d'industrie de Paris avec l'École des hautes études commerciales ou l'École supérieure de commerce) ».
86. La loi d'orientation des transports intérieurs de 1982 habilite expressément la SNCF « à exercer
toutes activités qui se rattachent directement ou indirectement à cette mission ». L'article 7 de la loi du
2juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications prévoit de
la même manière que La Poste comme France Telecom peuvent « exercer, en France et à l'étranger, toutes
activités qui se rattachent, directement ou indirectement, à son objet ».
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