Bibliothèque de droit public - Tome 333 - Nouvelles recherches sur la condition juridique des établissements publics - 28

28 NOUVELLES RECHERCHES SUR LA CONDITION JURIDIQUE DES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS
1. Un objet aussi politique que juridique
20. La compréhension du caractère public de la personnalité morale n'a pas suffisamment
été interrogée. Comme le suggère Jean-Marie Auby, au-delà de la division
réalisée à partir du droit positif entre les personnes morales de droit privé et de droit
public, il existe une « distinction politico-juridique »74 entre les personnes morales qui
ne recoupe que partiellement la première. Le caractère public ou privé d'une personne
morale est en effet appréciable selon leur statut, qui est déduit de la nature publique
ou privée de ses droits et de ses obligations, soit que l'on considère qu'ils sont généralement
réservés à la puissance publique, soit qu'ils le sont aux particuliers. Le caractère
public ou privé d'une personne morale l'est également selon la nature de ses liens
avec l'autorité politique. Cette appréhension « politico-juridique », centrée sur les
relations entre une personne morale et l'autorité politique et sur la manière dont
celle-ci intervient dans la gestion de l'établissement personnifié, se rattache à la tradition
du droit public.
Un tel rattachement implique de reprendre certaines anciennes manières de voir.
C'est pourquoi, les ressources mobilisées dans ce travail ne se limitent ni aux règles
du droit positif, ni a fortiori à la jurisprudence du Conseil d'État. L'étude n'est pas
non plus limitée à un corpus de textes déterminé et ne s'arrête pas au suivisme d'une
théorie particulière. L'éventail de ressources mobilisées est ainsi plus large que celles
utilisées généralement dans les études publiées sur les établissements publics. L'intégration
d'enseignements de certains auteurs classés habituellement dans les domaines
du droit constitutionnel, de la philosophie, de l'histoire ou de la science politique enrichit
la compréhension des établissements publics et fournit des éléments d'explication
tant des raisons de leur émergence que des caractéristiques de leur forme ; et, par là
même, invite à relativiser les appréciations alarmistes portées aujourd'hui à leur
endroit. Plusieurs de ses sources ont pour point commun de tenir compte de la particularité
de l'art de la politique pour l'étude du droit public en ne les séparant pas de
manière hermétique.
21. Le droit public n'est pas réductible à la logique déductiviste du légalisme. Il
n'est pas uniquement une affaire de droit positif, mais a trait aux principes qui se sont
développés par la pratique politique afin d'assurer la conservation de la communauté
politique comme une entité autonome. Il n'exprime pas seulement les règles qui encadrent
l'activité de gouvernement, mais également ce qui permet de maintenir la structure
de l'État et l'autorité des gouvernants. Le pouvoir que l'autorité politique exerce
sur les établissements publics, qui repose sur le fondement de la réserve d'autorité
existant indépendamment de toute formulation positive, s'inscrit pleinement dans ce
cadre, car il lui donne les moyens de s'assurer que la direction d'un établissement est
ordonnée à la conservation de la communauté politique et d'en contrôler l'administration
afin de vérifier qu'elle ne dévie pas de cette finalité.
74. Jean-Marie Auby, Préface de la thèse de Paul Sabourin, Recherches sur la notion d'autorité
administrative en droit français, LGDJ, « Bibl. de droit public », Paris, 1966, t. 69, p. VII : « la doctrine
et la jurisprudence paraissent confondre la distinction politico-juridique des personnes publiques et des
personnes privées et la distinction purement juridique des personnes de droit public et des personnes de
droit privé, distinctions qui ne se recoupent que partiellement. La seconde distinction correspond en effet
aux statuts juridiques empruntés au droit public et au droit privé qui s'appliquent aux institutions tandis que
la première exprime les liens de ces institutions avec les personnes publiques. Les caisses de sécurité
sociale, les banques nationalisées sont assurément des personnes de droit privé : elles n'en sont pas moins
en même temps des personnes publiques ».
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