Bibliothèque de droit public - Tome 333 - Nouvelles recherches sur la condition juridique des établissements publics - 370

370 NOUVELLES RECHERCHES SUR LA CONDITION JURIDIQUE DES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS
nomination de leurs administrateurs, qui participe au caractère spontané de leur formation.
Le pouvoir de nomination des administrateurs des établissements publics participe
en effet de l'exercice de la puissance publique. Il se rattache à l'ancienne prérogative
royale du pouvoir d'instituer les officiers166.À l'inverse du modèle
bureaucratique qui, par son caractère légal-rationnel, implique une formalisation de
l'accès à la fonction publique, procédant à une « dépersonnalisation » de la relation
avec l'autorité politique en mettant en présence des « fonctions et des rôles » plutôt
que des « individus concrets »167, le modèle de l'établissement public conserve le
caractère personnel de la relation entre l'autorité politique et les dirigeants d'établissements
publics. Ces derniers restent, et cela est accentué par l'absence de limite à
leur révocation168, sous la dépendance de l'autorité qui les a nommés.
625. L'obligation de prêter serment a certes disparu, mais la nomination est restée
au XXe siècle et reste encore un moyen de contrôle de l'autorité politique sur les
établissements publics. La maîtrise de la nomination des administrateurs des offices
publics, contre laquelle des critiques de favoritisme se sont élevées169, est ainsi rattachée
de manière explicite par Pierre Laroque et Roland Maspétiol au contrôle prudentiel.
Ils insistent sur la nécessité de l'intervention de l'autorité politique dans la nomination
des administrateurs de ces offices : « Il est utile sans doute d'associer les
intéressés et les techniciens à la gestion des services, mais leur collaboration devra
conserver un caractère purement consultatif, et s'ils figurent dans les Conseils d'administration,
ils devront toujours être en minorité. La direction effective ne doit appartenir
qu'à des administrateurs aux vues larges, capables d'apprécier dans son
ensemble où se trouve l'intérêt général, capables d'avoir une politique générale, économique
et financière. La nomination par le pouvoir central peut seule permettre ce
résultat »170.L'autorité politique nomme encore aujourd'hui en principe les administrateurs
des établissements publics171.
626. Par principe, l'autorité politique a la main sur la procédure de désignation
des administrateurs d'établissements publics. Cependant, certains établissements
publics ont une composante « décentralisée »172 au sens où la désignation de leurs
166. Cardin Le Bret, De la souveraineté du roi, II, 1, cité in Benoît Montay, « Le pouvoir de nomination
de l'Exécutif sous la Ve République », Jus Politicum, nº 11, http : //juspoliticum. com/article/Le-pouvoir-de-nomination-de-l-Executif-sous-la-Ve-Republique-817.
html : « Entre les marques de la souveraineté
parfaite et absolue, la plus noble et la plus importante à l'État est celle de pouvoir instituer les officiers.
C'est pourquoi les princes souverains ont de tout temps aussi soigneusement chéri le droit de conférer les
charges et les dignités de leur empire que leurs sujets ont été ambitieux d'avoir le bonheur de les posséder. »
167. Jacques Chevallier, Science administrative, PUF, « Themis », Paris, 2019.
168. Infra, nº 133 et s.
169. Paul Hugon, De l'Étatisme industriel en France et des Offices nationaux en particulier, Librairie
du Recueil Sirey, Paris, 1930, p. 136, cité in Alain Chatriot, « Les Offices en France sous la Troisième
République. Une réforme incertaine de l'Administration », RFAP, 120, 2006, p. 640 : « Nous n'insistons
pas ici sur le grand nombre de postes de choix que renferme la Direction d'un Office : le pullulement
anormal des Offices à certaines époques d'après-guerre ne paraît pas avoir de cause plus véritable que le
placement de certains privilégiés à ces hauts postes enviés ».
170. Roland Maspétiol et Pierre Laroque, La tutelle administrative, op. cit., p. 255-256.
171. Parmi de nombreux exemples, décret nº 2006-369 du 28 mars 2006 relatifaux missions et aux
statuts de l'Établissement public de sécurité ferroviaire : « Le directeur général est nommé par décret du
président de la République sur proposition du ministre chargé des transports ».
172. Maurice Hauriou, Précis de droit administratif: contenant le droit public et le droit administratif,2e
éd., L. Larose et Forcel, Paris, 1893, p. 326 : « Du point de vue, de leur organisation, il y a des
établissements publics décentralisés, d'autres qui ne le sont pas. Nous entendons par organisation décentralisée,
une organisation fondée en tout ou en partie sur l'élection. Sont donc décentralisés les

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