Bibliothèque de droit public - Tome 336 - Contribution à une théorie juridique des biens communs - 182

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CONTRIBUTION À UNE THÉORIE JURIDIQUE DES BIENS COMMUNS
concernées par le fleuve autres que la tribu Whanganui et enfin d'une personne choisie
par les autorités locales compétentes225. Toute personne jugée nécessaire au bon
conseil de Te Pou Tupua peut également être membre invité. La seconde - Te Kōpuka
- est un groupe stratégique constitué de représentants de personnes physiques ou
morales, publiques ou privées, concernées par le fleuve226. Du point de vue du
contentieux, les actions sont ouvertes aux peuples reconnus gardiens de la ressource
et plus particulièrement au groupe Te Pou Tupua.
c) La reconnaissance jurisprudentielle indienne
317. Le 20mars 2017, la Haute Cour de l'État de l'Uttarakhand, en Inde, a reconnu
l'attribution de la personnalité juridique au Gange ainsi qu'à son principal affluent, le
fleuve Yamuna227. La Haute Cour a également admis, quelques jours plus tard, la personnalité
juridique aux glaciers Gangotri et Yamunotri228.L'analyse se centrera toutefois sur
le seul cas du Gange. Avant tout développement, il convient de préciser que, contrairement
à la Constitution équatorienne et la loi néo-zélandaise qui ont une portée nationale,
la jurisprudencedelaHaute Cour de l'Uttarakhand ne s'applique que dans les limites
dudit État. Si cette décision a été suspendue par la Cour suprême indienne le 7juillet
2017 - après que l'État de l'Uttarakhand ait fait appel229 - elle n'en constitue pas
moins un évènement remarquable dans la personnification juridique de la nature. Toutefois,
ici plus qu'ailleurs, le sacré occupe une place centrale. D'abord, la Cour reconnaît
que « les hindous ont un lien spirituel profond avec les rivières Gange et Yamuna »,
celles-ci étant « très sacrées et vénérées »230. Plus encore, la décision se fonde sur le fait
que « les rivières Gange et Yamuna sont au cœur de l'existence de la moitié de la population
indienne, de leur santé et de leur bien-être » notamment en ce qu'ils « fournissent à
tous une subsistance physique et spirituelle depuis des temps immémoriaux »231.Une fois
ces considérations cosmologiques faites, la Cour conclut ensuite à l'octroi d'un « statut
juridique en tant que personne vivante/personne morale aux fleuves Gange et Yamuna (...)
avec tous les droits, devoirs et responsabilités »232.Il s'agit d'une interprétation pour le
moins extensive, dès lors que les articles de la Constitution indienne sur laquelle est fondée
cette conclusion se bornent à rappeler la nécessité pour l'État de garantir et promouvoir
la sauvegarde de la nature. Il n'y est pas question de personnification juridique.
318. Le Gange aurait dû être gouverné par un conseil de gestion institué par une
loi de 2000. Alors que la Cour suprême avait déjà mis en demeure le gouvernement
fédéral de procéder à l'institution de cette instance233, le jugement du 20 mars 2017
225. Te Awa Tupua (Whanganui River Claims Settlement) Act, 20 mars 2017, arts. 27-28.
226. Te Awa Tupua (Whanganui River Claims Settlement) Act, 20 mars 2017, art. 29.
227. Haute Cour de l'Uttarakhand, Mohd. Salim vs. State ofUttarakhand & others, 20 mars 2017,
nº 126, cons. 11. Des extraits du jugement seront traduits par nos soins de l'anglais.
228. Haute Cour de l'Uttarakhand, Lalit Miglani vs. State ofUttarakhand & others, 30 mars 2017,
nº 140, cons. 2.
229. Cour suprême de l'Inde, State ofUttarakhand vs. Mohd. Salim, 7juill. 2017, nº 016879/2017.
230. Haute Cour de l'Uttarakhand, Mohd. Salim vs. State ofUttarakhand & others, 20 mars 2017,
nº 126, cons. 11.
231. Haute Cour de l'Uttarakhand, Mohd. Salim vs. State ofUttarakhand & others, 20 mars 2017,
nº 126, cons. 17.
232. Haute Cour de l'Uttarakhand, Mohd. Salim vs. State ofUttarakhand & others, 20 mars 2017,
nº 126, cons. 18 et 19.
233. Haute Cour de l'Uttarakhand, Mohd. Salim vs. State of Uttarakhand & others, 5 déc. 2016,
nº 126, cons. 25.3 : « Le gouvernement fédéral est également chargé de constituer un conseil de gestion
du Gange (...) et de le rendre fonctionnel dans un délai de trois mois ».

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