Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 169 - Le Conseil constitutionnel et la commande publique - 260

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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET LA COMMANDE PUBLIQUE
raison notamment de la jurisprudence développée par le Conseil d'État. Dans la décision
d'Assemblée de 2006 KPMG90, le Rapporteur public Monsieur Yann Aguila,
proposant de consacrer le principe de sécurité juridique à propos de la question de
l'application de la loi nouvelle aux contrats en cours, envisageait ce nouveau principe
uniquement à propos des « situations contractuelles de droit privé en cours »91.L'affirmation
a été par la suite reprise par le Conseil d'État dans la décision d'Assemblée
du 8 avril 2009 Commune d'Olivet, dans laquelle le juge distingue à nouveau le principe
de l'application de la loi nouvelle en général de son application spéciale à des
contrats administratifs92.
447. Face à cette spécificité réaffirmée par le juge administratif, la position du
juge constitutionnel offre à nouveau un éclairage intéressant, qui peut être analysé en
deux temps. Il importe d'abord de regarder si le Conseil constitutionnel offre une
quelconque protection de la pérennité contractuelle des contrats de la commande
publique ou si la jurisprudence s'avère au contraire peu exigeante dans la remise en
cause de ces contrats. Si l'examen témoigne d'une protection du contrat en cours, il
faudra ensuite vérifier qu'elle n'excède pas celle qui leur est classiquement offerte.
Une solution trop stricte pourrait traduire une nouvelle spécificité par rapport aux
contrats privés, remettant à nouveau en question la valeur contractuelle des contrats
de la commande publique. L'étude ne doit pas faire abstraction des fondements sur
lesquels une éventuelle protection serait offerte et devra révéler quelle est la place
de la liberté contractuelle dans le contrôle des atteintes législatives à des contrats de
la commande publique en cours. En la matière, les décisions du Conseil constitutionnel
font montre d'une protection très classique de la pérennité contractuelle : si certaines
atteintes de la part du législateur sont possibles, elles doivent être particulièrement
encadrées (§ 1). Une décision récente du Conseil constitutionnel93 rappelle d'ailleurs
l'importance que le juge confère à la protection de la liberté contractuelle. Cette décision,
qui confirme la constitutionnalité du régime des recours contre les contrats de
droit privé de la commande publique, ne semble pouvoir s'expliquer que par la
volonté du juge constitutionnel de réaffirmer la nature contractuelle des contrats de
la commande publique (§ 2).
§1. UNE PROTECTION PRAGMATIQUE DU CONTRAT
448. Les contrats de la commande publique en cours sont protégés par le
Conseil constitutionnel des atteintes du législateur selon les mêmes modalités que
90. CE, Ass., 24 mars 2006, nº 288460, Société KPMG, Société Ernst and Young Audit, Rec. p. 154.
91. Y. Aguila, « La réglementation nouvelle s'applique-t-elle aux contrats en cours et, si oui, des
mesures transitoires sont-elles obligatoires ? », conclusions sous CE, Ass., 24 mars 2006, nº 288460,
Société KPMG et autres, BJCP, 2006, nº 46, p. 173.
92. CE, Ass., 8 avr. 2009, nº 271737 et nº 271782, Compagnie générale des eaux c. Commune d'Olivet,
Rec. p. 117. Le Professeur Benoît Plessix indique ainsi dans son commentaire : « considérant que, dans
le cas où [la loi] n'a pas expressément prévu, sous réserve, le cas échéant, de mesures transitoires, l'application
des normes nouvelles qu'elle édicte à une situation contractuelle en cours à la date de son entrée en
vigueur, la loi ne peut être interprétée comme autorisant implicitement une telle application de ses dispositions
que si un motif d'intérêt général suffisant lié à un impératif d'ordre public le justifie et que s'il n'est
dès lors pas porté une atteinte excessive à la liberté contractuelle ; que, pour les contrats administratifs,
l'existence d'un tel motifd'intérêt général s'apprécie en tenant compte des règles applicables à ces contrats,
notamment du principe de mutabilité », RJEP, 2009, nº 668, comm. 41.
93. Cons. const., 2 oct. 2020, déc. nº 2020-857 QPC, Société Bâtiment mayennais [Référé contractuel
applicable aux contrats de droit privé de la commande publique], JORF, 3 oct. 2020, texte nº 105.

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