Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 169 - Le Conseil constitutionnel et la commande publique - 288

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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET LA COMMANDE PUBLIQUE
nouvelle loi - ne fallait-il pas s'interroger sur la pertinence des normes générales en
vigueur ? à partir du moment où les dispositions en vigueur ne permettent pas de remplir
leur office, ne fallait-il pas plutôt les repenser plutôt que de les maintenir en leur
adossant un régime dérogatoire ? Si l'on considère que le Conseil constitutionnel est
le gardien de la loi et d'une bonne législation, on aurait pu attendre qu'il indique au
législateur que l'intérêt général ne résidait pas dans l'adoption de lois nouvelles au fur
et à mesure de l'émergence de nouveaux problèmes d'application, mais plutôt dans la
refonte du droit commun en vigueur. Cet exemple questionne donc l'étendue de
l'exercice du contrôle de constitutionnalité, qui est un sujet délicat. Le juge constitutionnel
est dans une position ingrate : s'il remet en question l'intérêt général retenu
par le législateur, il risque de s'exposer à la critique du gouvernement des juges. S'il
affirme inversement qu'une loi est conforme à la Constitution en raison du simple fait
que le législateur l'a motivée par la seule existence d'un intérêt général en lien avec la
loi, il peut être accusé de laxisme. Le Conseil a donc opté pour une position intermédiaire
et objective, consistant à rechercher un motif d'intérêt général suffisamment
sérieux pour accepter une atteinte à l'égalité18. Ce constat permet de compléter le
propos du Professeur Jacques Ghestin qui indiquait que « le contrat est obligatoire
parce qu'il est utile » et « n'est obligatoire que s'il est juste »19 en ajoutant que la
législation sur le contrat est constitutionnelle si elle est conforme à l'intérêt général.
II. LA RECHERCHE DE LA CONDITION D'INTÉRÊT GÉNÉRAL
POURSUIVIE PAR LE LÉGISLATEUR
495. D'autres principes constitutionnels ne disposent pas d'un considérant de
principe permettant à l'intérêt général de justifier des exceptions. Qu'il s'agisse d'un
principe à valeur constitutionnelle qui ne prévoit pas spécifiquement d'exception (A)
ou que l'intérêt général permettant de telles exceptions n'ait pas valeur constitutionnelle
(B), le contrôle opéré par le Conseil conduit à réintroduire l'exigence d'invocation
d'un intérêt général par le législateur.
A. LA RÉINTRODUCTION DIRECTE DE L'INTÉRÊT GÉNÉRAL
496. Lorsque la valeur constitutionnelle du principe invoqué par les requérants
n'est pas précisément établie mais que le Conseil estime qu'il rejoint un principe plus
large ou en devenir, il n'existe pas de considérant de principe spécifique prévoyant
des exceptions pour des motifs d'intérêt général. Le juge recherchera dans ces situations
quelles raisons d'intérêt général peuvent justifier ces situations particulières. Le
principe d'égalité devant la commande publique fournit à ce titre un exemple intéressant
de prise en compte de l'intérêt général par rapport à un principe constitutionnel
en cours d'élaboration. Les décisions constitutionnelles portant sur la constitutionnalité
des contrats de partenariat témoignent de l'évolution de ce principe et de son
appréciation par le Conseil constitutionnel.
18. D. Rousseau, P.-Y. Gahdoun, J. Bonnet, Droit du contentieux constitutionnel, op. cit., spéc.
p. 938, § 1304. Le Conseil a de plus récemment indiqué qu'il ne « dispose pas d'un pouvoir d'injonction
àl'égard du législateur », qui justifierait une immixtion dans les choix opérés par le pouvoir législatif,
renforçant ainsi sa posture de neutralité. Voir : Cons. const., 13 août 2021, déc. nº 2021-825 DC, Loi portant
lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, JORF, 24 août
2021, nº 0196, texte nº 2 ; spéc. cons. nº 3.
19. J. Ghestin, « L'utile et le juste dans les contrats », D., 1982, chron. 1, spéc. p. 4.

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