Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 169 - Le Conseil constitutionnel et la commande publique - 333

LES AMBIGUÏTÉS MÉTHODOLOGIQUE DU CONTRÔLE DE CONSTITUTIONNALITÉ
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d'illustration, la Chambre commerciale de la Cour de cassation était saisie d'une
demande de la société Marson conseils qui assignait en responsabilité pour concurrence
déloyale la société CTR, au motif que cette dernière avait passé avec des personnes
publiques plus d'une centaine de contrats de conseil sur la taxe locale sur la
publicité extérieure, par le biais de démarchage et sans mise en place d'une procédure
de publicité et de mise en concurrence. Le juge de première instance avait interdit à la
société CTR de poursuivre cette pratique commerciale sous astreinte de cinq mille
euros par marché conclu illégalement. Saisie d'un recours en cassation contre le jugement,
la Chambre commerciale indique que si dans certaines situations les pouvoirs
adjudicateurs peuvent passer des marchés sans publicité ou mise en concurrence, les
marchés en question auraient dû être soumis aux règles de mise en concurrence, ce
que la société CTR ne pouvait ignorer en raison des jugements rendus au sujet de ses
propres contrats. La Cour juge que la société CTR a commis des actes de concurrence
déloyale « en continuant à démarcher activement les collectivités locales afin de les
convaincre de passer de tels marchés sans mise en concurrence »83. Finalement, pour
la Chambre commerciale, la violation délibérée de certaines règles applicables aux
marchés publics constitue de la concurrence déloyale. L'utilisation du droit de la
concurrence et la référence à la concurrence déloyale sont intéressantes car elles
offrent un nouvel éclairage sur les règles de la commande publique qui ont en définitive
un but commun : permettre une concurrence équilibrée entre les différents opérateurs
pour que l'acheteur bénéficie du meilleur prix. Ce type de rapprochement ancre
davantage la commande publique dans le droit des contrats.
583. Le droit administratif a pourtant tardé à introduire l'obligation de loyauté
dans sa palette contentieuse. Celle-ci n'est entrée dans le contentieux contractuel des
parties qu'en 2011 avec la célèbre décision Commune de Béziers84. Sa mise en œuvre
traduit également une conception de la loyauté propre au juge administratif85. Avant
tout procédurale, elle permet de déterminer la légitimité d'une contestation du contrat
par l'une des parties86. Elle est donc utilisée afin de renforcer le contrat public et son
unité, en soudant les parties autour de l'objectif commun de la bonne réalisation du
contrat87. Elle demeure absente du reste du contentieux dans lequel elle pourrait pourtant
permettre de développer une jurisprudence plus contractuelle de la commande
publique.
Conclusion du chapitre 1
584. L'ambiguïté marque tant les méthodes que les notions employées dans la
jurisprudence constitutionnelle relative à la commande publique. Sur le plan des
83. Cass. com. 17 mars 2021, nº 19-12290, Société Marson conseils c. Société CTR
84. CE, Sect., 21 mars 2011, nº 304806, Commune de Béziers, Rec. p. 117.
85. Voir à ce sujet : B. Seiller, « La loyauté [hors] des relations contractuelles », in À propos des
contrats des personnes publiques, Mélanges en l'honneur du Professeur Laurent Richer, LGDJ, 2013,
p. 435 ; J.-Fr. Sestier, « La loyauté dans l'exécution des relations contractuelles : un standard juridique commode
? », À propos des contrats des personnes publiques, Mélanges en l'honneur du Professeur Laurent
Richer, LGDJ, 2013, p. 451.
86. L. Marguery, « La " loyauté des relations contractuelles " en droit administratif: d'un principe procédural
à un principe substantiel », RFDA, 2012, nº 4, p. 663.
87. J.-Fr. Lafaix, « La loyauté des relations contractuelles au regard de la théorie du contrat », in À
propos des contrats des personnes publiques. Mélanges en l'honneur du Professeur Laurent Richer, LGDJ,
2013, p. 365.

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