Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 169 - Le Conseil constitutionnel et la commande publique - 64

64
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET LA COMMANDE PUBLIQUE
Constitution de 1958. En effet, dans sa décision du 29 avril 1981 Ordre des architectes,
qui se fonde dans ses visas sur le décret du 5 octobre 1938, l'Assemblée réaffirme
clairement que « les prescriptions de l'article 34 de la Constitution n'ont pas eu pour
effet de transférer au législateur la compétence attribuée au gouvernement par les textes
susvisés qui sont de nature législative »93. Il semble que le Conseil d'État force la
solution d'espèce pour l'ériger au rang de principe, ce qui a conduit la doctrine à
critiquer cette solution, qualifiant le raisonnement des juges du Palais-Royal
d'« acrobatique »94 sur plusieurs points. À ce sujet, le Professeur Jean-François Brisson
montre que le décret-loi de 1938 n'a jamais été ratifié par le Parlement et qu'en
tout état de cause l'habilitation du pouvoir réglementaire était viciée puisqu'elle
n'était limitée ni dans le temps ni dans la matière déléguée. Malgré les critiques de
la doctrine portant sur la « fragilité de la construction du raisonnement du Conseil
d'État »95, cette compétence a malheureusement été rappelée avec constance96 et les
choses ont longtemps demeuré ainsi, faute de volonté du pouvoir législatif de se saisir
de cette question. Une telle solution jurisprudentielle pouvait également témoigner par
ricochet de l'unité de la matière en réaffirmant la compétence dérogatoire du pouvoir
réglementaire.
II. LE MAINTIEN CONTEMPORAIN DE LA COMPÉTENCE
RÉGLEMENTAIRE
93. Le juge constitutionnel n'avait pas eu l'opportunité de se prononcer sur le
sujet avant le début des années 2000 et sa position était attendue. Une saisine en la
matière allait permettre de clarifier le droit et la doctrine espérait que sa solution permettrait
de redistribuer les compétences dans l'encadrement des contrats publics. Sa
décision, finalement intervenue en 2002, a provoqué la surprise, non en raison d'une
innovation bienvenue, mais à cause de son immobilisme. Le Conseil constitutionnel
refuse d'opérer toute innovation et se conforme à la solution classique du Conseil
d'État. Cette solution a ensuite été reprise par le juge administratif, renforçant, si
cela était nécessaire, la portée de la position du juge constitutionnel (A). Loin de
constituer des décisions anodines, cet ensemble jurisprudentiel a exercé une influence
certaine et durable sur les sources écrites du droit de la commande publique (B).
A. LA CONSÉCRATION ET LA CONFIRMATION JURIDICTIONNELLES
94. Au soutien de leur recours visant à contester la constitutionnalité de la loi
d'orientation et de programmation sur la sécurité intérieure dite « LOPSI », les députés
invoquaient notamment les nouvelles possibilités de financement des ouvrages
affectés à la justice, à la police et à la gendarmerie, et en particulier l'article 3 II qui
prévoyait des méthodes de préfinancement par des opérateurs privés des bâtiments
93. CE, Ass., 29 avr. 1981, nº 12851, Ordre des architectes, Rec. p. 197.
94. L. Favoreu, « Le Conseil d'État, défenseur de l'exécutif», in L'Europe et le droit, Mélanges en
hommage à Jean Boulouis, Dalloz, 1991, p. 237.
95. J.-Fr. Brisson, « Marchés publics et constitutionnalisation du droit. Les apories du contentieux
constitutionnel des contrats publics », in La Constitution et les valeurs, Mélanges en l'honneur de Dmitri
Georges Lavroff, Dalloz, 2005, p. 85.
96. CE, 9 févr. 1994, nº 129243, Préfet de Seine et Marne, Rec. p. 60 ; CE, 13janv. 1995, nº 126294,
Société Baudin Chateauneuf, Rec. p. 22 ; CE, 30juin 1999, nº 169336 et 169545, Dép. de l'Orne, Rec.
p. 227.
Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 169 - Le Conseil constitutionnel et la commande publique

Table des matières de la publication Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 169 - Le Conseil constitutionnel et la commande publique
