Bibliothèque des sciences criminelles - Tome 76 - La question du cumul de déclarations de culpabilité en droit pénal interne et en droit international pénal - 179

LES SOLUTIONS APPLIQUÉES PAR LA JURISPRUDENCE
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Cet arrêt appelle trois observations. Premièrement, la censure du cumul est clairement
fondée sur le critère de l'opération préalable nécessaire, non sur le critère des
faits indissociables au sens où la chambre criminelle entend généralement cette
notion, car le délit de port ou transport d'un explosif est constitué par un fait nettement
distinct de son emploi, qui est subséquent. Deuxièmement, la cassation de l'arrêt
dans ses dispositions relatives aux peines est très discutable au regard du principe de
bonne administration de la justice. Dès lors que la cour d'assises avait simultanément
déclaré l'accusé coupable d'assassinats, de tentatives d'assassinats et de dégradations
volontaires par l'effet d'une substance explosive, il était fort douteux que la déclaration
de culpabilité du chef de port ou transport d'un explosif ait pu exercer une quelconque
influence sur la détermination de la peine prononcée à l'encontre de l'accusé.
Il semble ainsi que l'on aurait pu faire l'économie d'un troisième procès aux assises.
Sans surprise, la cour d'assises de renvoi a prononcé la même peine que la cour d'assises
d'appel et la cour d'assises de première instance avant elle, à savoir une peine de
réclusion criminelle à perpétuité. Troisièmement, le pourvoi n'attaquait pas le cumul
de déclarations de culpabilité des chefs d'assassinats, de tentatives d'assassinats et de
dégradations volontaires par l'effet d'une substance explosive. Pourtant, la question
du caractère dissociable de ces infractions pouvait se poser, dès lors que ces infractions
procédaient d'une action unique - l'emploi d'un explosif - caractérisée par une
seule intention coupable - le mobile terroriste, étant rappelé que la chambre criminelle
entend généralement par intention coupable le mobile. On peut cependant supposer
que la chambre criminelle aurait maintenu ce cumul de déclarations de culpabilité
au motif que ces infractions étaient constituées par des résultats dissociables : la
mort de certaines victimes, les blessures d'autres victimes, et la destruction de biens.
L'application ponctuelle du critère de l'opération préalable nécessaire crée une incohérence
dans la jurisprudence.
2. Incohérence dans lajurisprudence relative au cumul de déclarations de culpabilité
250. Àl'instar du domaine de validité du critère de l'appréhension de l'action
délictueuse dans toutes ses dimensions, le domaine de validité du critère de l'opération
préalable nécessaire est potentiellement illimité en raison de sa généralité. Il n'existe
donc aucune raison de cantonner le champ d'application de ce critère au concours
entre le recel et le blanchiment subséquent, au concours entre le blanchiment et le
recel subséquent, et au concours entre le port ou transport d'un explosif et les atteintes
subséquentes aux personnes et aux biens par l'emploi de cet explosif. Comme le soulignait
M. CONTE dans une note publiée en janvier 2017, le critère appliqué dans l'arrêt du
26 octobre 2016 était de nature à remettre en cause des solutions que l'on tenait jusquelà
pour acquises, tel le cumul de déclarations de culpabilité de faux et usage de faux,
dans la mesure où le faux peut certainement s'analyser en une opération préalable
nécessaire à la commission subséquente de l'usage de faux231.
Mais, une fois encore, la chambre criminelle n'a pas fait preuve de la plus grande
cohérence, au détriment des prévisions légitimes des justiciables. Comme nous
l'avons précédemment vu, elle a plusieurs fois refusé de censurer le cumul de déclarations
de culpabilité des chefs de faux et escroquerie au motif que ces deux infractions
étaient constituées par des faits distincts, le faux n'étant pas inclus dans les
231. Ph. CONTE, « Conditions d'application du principe » (Non bis in idem), Droit pénal, janv. 2017,
nº 1, comm. nº 4.

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