Bibliothèque des sciences criminelles - Tome 76 - La question du cumul de déclarations de culpabilité en droit pénal interne et en droit international pénal - 374

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LA QUESTION DU CUMUL DE DÉCLARATIONS DE CULPABILITÉ EN DROIT PÉNAL
personne mise en cause et le comportement d'une personne normalement prudente et
diligente qui serait placée dans la même situation, que la norme de prudence ou de
sécurité méconnue soit générale (hypothèse visée par la maladresse, l'imprudence,
l'inattention ou la négligence) ou spéciale (hypothèse visée par le manquement à
une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement).
Or, un tel écart suppose que l'activité exercée soit régie par des normes. Ainsi,
l'on peut commettre un délit d'homicide involontaire sur la route, parce que la circulation
routière est régie par de nombreuses normes de comportement qui sont compilées
dans le Code de la route. De même, le directeur d'un laboratoire pharmaceutique
peut commettre un délit d'homicide involontaire s'il ne respecte pas les nombreuses
normes qui encadrent l'élaboration et la mise sur le marché des médicaments. Mais
lorsque l'activité est illicite et n'est régie par aucune norme, il n'est pas possible de
caractériser l'existence d'un écart entre le comportement de la personne poursuivie et
le comportement normalement prudent et diligent qu'elle aurait dû avoir. Ainsi, quelle
imprudence, quelle négligence, quel manquement à une obligation de prudence ou de
sécurité prévue par la loi ou le règlement pourrait-on reprocher à un trafiquant de
stupéfiants ? En réalité, le fait, pour un trafiquant de stupéfiants, de vendre des produits
stupéfiants ne constitue ni un comportement maladroit, imprudent ou négligent,
ni un manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou
le règlement. On doit dès lors convenir que ce fait n'entre pas dans les termes de
l'incrimination de l'homicide involontaire dont le champ d'application ne peut être
étendu en vertu du principe d'interprétation stricte de la loi pénale, même si le client
décède à cause de la drogue qu'il a consommée.
Certes, il y a mort d'homme, et l'on conçoit aisément que les magistrats veuillent
rendre compte de ce fait majeur dans la déclaration de culpabilité. Mais deux points
méritent d'être rappelés. Premièrement, les peines encourues au titre de la cession
illicite de stupéfiants sont très sévères et elles le sont bien plus que les peines encourues
au titre de l'homicide involontaire, même aggravé. La déclaration de culpabilité
du seul chef de cession illicite de stupéfiants confère ainsi au juge le pouvoir de prononcer
des peines très lourdes, en adéquation avec la gravité du comportement, ellemême
corrélée avec la nocivité des stupéfiants écoulés par le trafiquant. Le cumul de
déclarations de culpabilité présente ainsi un intérêt répressif à peu près nul. Deuxièmement,
dans le cas où il serait avéré que des trafiquants ont délibérément vendu des
stupéfiants fortement susceptibles de causer la mort dans un bref délai suivant leur
consommation, des poursuites du double chef d'empoisonnement et de trafic de stupéfiants
devraient pouvoir être engagées, étant précisé que les qualifications de stupéfiant
et de poison ne sont pas exclusives l'une de l'autre. Certes, la Cour de cassation
a jugé que « le crime d'empoisonnement ne peut être caractérisé que si l'auteur a agi
avec l'intention de donner la mort »46, mais ne pourrait-on pas déduire l'intention
homicide de la connaissance du caractère mortifère des produits stupéfiants, associée
à la volonté de les vendre pour être consommés ? La question est controversée, mais il
faut noter que l'arrêt dans lequel la Cour de cassation a affirmé que « la seule
connaissance du pouvoir mortel de la substance administrée ne suffit pas à caractériser
l'intention homicide »47 a été rendu dans une affaire de transmission sexuelle du
VIH. Eu égard à la spécificité de cette affaire, la portée de la solution est incertaine, et
46. Cass. crim. 18juin 2003, nº 02-85199, Bull. crim. nº 127.
47. Cass. crim., 2juill. 1998, nº 98-80529, Bull. crim. nº 211.

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