Bibliothèque des sciences criminelles - Tome 76 - La question du cumul de déclarations de culpabilité en droit pénal interne et en droit international pénal - 479

UNITÉ D'INFRACTION EN VERTU D'UNE THÉORIE DU DROIT PÉNAL GÉNÉRAL
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ne caractérise pas plusieurs délits de publicité de nature à induire en erreur, mais un
seul309. Chaque diffusion du message s'inscrit dans le cadre d'une seule et même
opération délictueuse.
De même, les nombreux faits de cession de stupéfiants qu'un trafiquant peut
commettre avant d'être arrêté par les forces de l'ordre ne constituent qu'une seule et
même infraction continuée de cession de stupéfiants, dès lors que chaque cession,
c'est-à-dire chaque vente de drogue réalisée auprès d'un client, s'inscrit dans le
cadre d'un même trafic. Suivant cette analyse, les deux cessions reprochées à Blockburger
ne constituaient qu'une seule et même infraction continuée.
La condition de l'opération délictueuse unique trouve également à s'appliquer
dans le domaine des crimes contre les groupes d'individus, tels que le génocide, l'extermination,
la persécution et l'apartheid. Ainsi, les différents actes de génocide perpétrés
contre les membres d'un même groupe ne constituent qu'une seule et même
infraction continuée s'ils s'inscrivent dans la même opération visant à détruire ce
groupe310. Dans l'affaire Semanza, l'accusé a fait l'objet d'un seul chef d'accusation
de génocide pour avoir participé à quatre massacres de Tutsis, perpétrés en des lieux
différents et à des dates différentes311. Dans son opinion dissidente, le juge DOLENC a
considéré que ce chef d'accusation unique pour quatre massacres distincts était justifié
dans la mesure où les actes reprochés à l'accusé constituaient « une seule infraction
continue »312. Il est clair que les conditions d'existence d'une infraction continuée
(et non continue) étaient effectivement réunies dès lors que les faits reprochés
àl'accusé avaient tous été commis dans le même but : anéantir le groupe Tutsis du
Rwanda. Il convient de préciser qu'en matière de crimes contre les groupes, la condition
de l'identité de la victime est elle aussi remplie, dès lors que la victime d'un
crime contre un groupe d'individus n'est autre que le groupe lui-même. De plus, la
théorie de l'infraction continuée trouve également à s'appliquer au crime d'incitation
directe et publique à commettre le génocide, dans le cas où l'auteur commet ce crime
à de multiples reprises contre le même groupe313.
En revanche, la condition de l'opération délictueuse unique trouve sa limite dans
le domaine des homicides volontaires. Plusieurs meurtres ou assassinats successifs ne
sauraient constituer une infraction continuée, même s'ils s'inscrivent dans le cadre
d'une opération délictueuse unique. S'agissant d'un crime si intimement dirigé contre
la vie d'un individu, la condition de l'identité de la victime a naturellement vocation à
prévaloir. Cette condition n'étant pas remplie, l'existence d'une pluralité de meurtres
ou d'assassinats doit être admise.
309. Cass. crim., 8 déc. 1987, Bull. crim. nº 451 ; Cass. crim., 27 mars 2007, Bull. crim. nº 94.
310. En ce sens, C.-F. STUCKENBERG, « Multiplicity of offences : concursus delictorum », in
H. FISCHER,C. KRESS, S.-R. LUDER (dir.), International and National Prosecution ofcrimes under International
Law. Current developments, Berlin Verlag, Arno Spitz GmbH, 2001, p. 603.
311. TPIR, Ch. 1re
inst. III, Jugement, 15 mai 2003, Affaire Semanza, annexe, p. 191 à 193.
312. Opinion individuelle et dissidente du juge Pavel DOLENC, jointe au jugement Semanza, § 33.
313. TPIR, Affaire Nahimana, Barayagwiza et Ngeze, Ch. d'appel, Arrêt, 3 déc. 2003, § 104. Dans
cette affaire, la Chambre d'appel a décidé que les accusations d'entente en vue de commettre le génocide et
d'incitation directe et publique à commettre le génocide ne débordaient la compétence temporelle du Tribunal
en ce qu'elles étaient fondées sur des faits antérieurs au 1er
janvier 1994, mais relevaient de la compétence
temporelle du Tribunal au motif que l'entente et l'incitation constituent des infractions continues
qui, en l'espèce, avaient persisté jusqu'au jour de la commission du crime de génocide, lequel avait débuté
le 6 avril 1994. À l'évidence il ne peut s'agir d'infractions continues, mais la théorie de l'infraction continuée
justifie la solution.

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