Bibliothèque des sciences criminelles - Tome 76 - La question du cumul de déclarations de culpabilité en droit pénal interne et en droit international pénal - 554

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LA QUESTION DU CUMUL DE DÉCLARATIONS DE CULPABILITÉ EN DROIT PÉNAL
l'embrasser, tout en lui tenant des propos à caractère sexuel, avant de lui suggérer,
quand son compagnon était en déplacement, d'avoir des relations sexuelles
avec un autre homme, ou avec son gynécologue ; que la plaignante a indiqué
avoir eu du mal à se dégager physiquement de l'emprise du prévenu, qui a
insisté pour qu'elle revienne le voir, après avoir réfléchi à sa proposition ; que
la cour d'appel en déduit que ces actes et ces propos caractérisent les infractions
de harcèlement sexuel et d'agression sexuelle reprochées au prévenu,
ainsi que, pour ce dernier délit, la circonstance aggravante d'abus de l'autorité
conférée par ses fonctions ».
Saisie d'un pourvoi critiquant le cumul de déclarations de culpabilité, la Cour de
cassation a prononcé la cassation totale de l'arrêt attaqué au visa du principe Ne bis in
idem et aux motifs que « les mêmesfaits, constitués des mêmes paroles et des mêmes
actes, procédaient d'une seule intention coupable et ne pouvaient conduire à deux
déclarations de culpabilité »107.
Cette solution paraît critiquable. À titre préalable, il convient de relever qu'il
existait bien, en l'espèce, un concours d'infractions concomitantes. Premièrement,
chacun des deux délits était caractérisé. D'une part, le gynécologue avait commis
sur sa patiente une atteinte sexuelle avec contrainte ou surprise en caressant ses fesses,
en tentant de l'embrasser et en la tenant dans ses bras si fort qu'elle avait eu du mal à
se dégager physiquement de son emprise, de sorte que le délit d'agression sexuelle
était clairement caractérisé. D'autre part, le gynécologue avait imposé à sa patiente,
de façon répétée, des propos à caractère sexuel dans le but d'obtenir une relation
sexuelle avec celle, ce qui caractérisait tout aussi clairement le délit de harcèlement
sexuel. Deuxièmement, la théorie du conflit d'incriminations est inapplicable dès lors
que les incriminations en cause visent des infractions qui n'appartiennent pas au
même genre d'infractions : contrairement à l'agression sexuelle qui, à l'instar du
viol et des atteintes sexuelles sur mineur, suppose une atteinte sexuelle, le harcèlement
sexuel ne requiert aucune atteinte sexuelle et n'appartient donc pas au genre
des atteintes sexuelles. Comme l'écrit M.MAYAUD, « Une différence substantielle
sépare le harcèlement de l'agression. Le premier n'estpas un acte de nature sexuelle,
n'ayant pour ambition que de l'obtenir, contrairement au second, qui, par l'atteinte
physique qui le caractérise, participe d'une sexualité consommée »108. Par suite,
même concomitants, le harcèlement sexuel et l'agression sexuelle ne sont pas réductibles
à l'unité, contrairement à l'agression sexuelle et au viol109.
Ceci étant admis, la question de savoir si le cumul de déclarations de culpabilité
retenu par les juges du fond devait être autorisé ou prohibé se posait effectivement. La
Cour de cassation a censuré le cumul au visa du principe Ne bis in idem, mais il a été
démontré que ce principe n'est pas applicable au problème de fond que soulève la
question du cumul de déclarations de culpabilité110. En toute hypothèse, la différence
qualitative qui sépare les délits d'agression sexuelle et de harcèlement sexuel est telle
107. Cass. crim., 18 sept. 2019, nº 18-86291, Inédit.
108. Y. MAYAUD, « Du harcèlement sexuel à l'agression sexuelle, ou des enjeux d'une requalification
», RSC, 2015, p. 855, Note sous Cass. crim., 23 septembre 2015, nº 14-84842, Bull. crim. nº 207.
109. Dans le cas où l'auteur commet des attouchements sexuels sur sa victime immédiatement avant
de la violer, on doit considérer que les attouchements forment avec l'acte de pénétration sexuelle une seule
et même atteinte sexuelle, de sorte qu'un conflit existe entre l'incrimination du viol et l'incrimination de
l'agression sexuelle, la première incrimination ayant naturellement vocation à prévaloir sur la seconde.
110. Supra, nº 25 et s.

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