Bibliothèque de finances publiques et fiscalité - Tome 78 - Recherche sur la transparence en droit des finances publiques - 144

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RECHERCHE SUR LA TRANSPARENCE EN DROIT DES FINANCES PUBLIQUES
1. La Révolution, moment d'inauguration de la publicitéparlementaire
331. Le culte de la publicité qui entoure l'ère révolutionnaire tient certainement
au caractère même d'une révolution. À l'inverse du coup d'État, qui se fomente dans
le secret, et dans quelques arcanes aussi obscurs aux sujets qu'ils sont proches du
cœur du pouvoir, la révolution quant à elle, a besoin « de bruit et clameur pour rassembler
assez de partisans »37. La geste révolutionnaire se confond avec la parole de
ses promoteurs et plus fidèles partisans, qui mènent au travers des débats publics une
véritable bataille politique, se substituant, par leurs discours permanents, au pouvoir,
replaçant symboliquement celui-ci au cœur de la société et le soumettant au contrôle
de l'opinion publique38. Cela s'inscrit en conformité avec le principe kantien de
publicité qui vise à faire concorder la morale et la politique. À partir de 1789, cette
exigence de visibilité pour l'opinion publique couplée au développement du rationalisme
qui se répand dans l'ensemble des domaines sociaux obligera l'élaboration du
droit dans le respect du principe de publicité, dont la publicité parlementaire est la
marque la plus évidente.
332. Malgré diverses oppositions39, le principe de publicité sera affirmé dès les
premiers soubresauts révolutionnaires. Le 28 mai 1789, le député du tiers MALOUET
avait fait une proposition de huis clos des États généraux, mais le député VOLNEY
mit toute sa verve pour repousser la motion, rejeter la délibération secrète et conserver
le caractère public des débats parlementaires, en empruntant ouvertement des accents
rousseauistes40. Le 26juin 1789 le député BARNAVE devait déclarer : « Il est étrange
et surprenant que l'on veuille défendre à la nation l'entrée de la salle nationale »41.La
rupture avec la politique comme art du secret est totalement consommée lorsque la
Constitution du 14 septembre 179142 prévoit en son article 1er
du Chapitre 2I, Section
2, que « les délibérations du Corps législatif seront publiques, et les procès37.
H. ARENDT, Das Urteilen. Texte zu Kants politischer Philosophie, Piper, 1998, Munich, p. 82 :
« Un coup d'État doit en effet, contrairement à une révolution, être préparé en secret, alors que les groupes
ou partis révolutionnaires ont toujours veillé à proclamer publiquement leurs objectifs et à y rallier des pans
importants de la population », cité par J.-F. KERLÉO, op. cit., p. 127.
38. F. FURET, La Révolution française, paris, Gallimard, 2007, p. 62 : « La parole se substitue au
pouvoir comme seule garantie que le pouvoir n'appartient qu'au peuple, c'est-à-dire à personne. Et contrairement
au pouvoir, qui a la maladie du secret, la parole est publique, donc soumise elle-même au contrôle
du peuple ».
39. « Lors de la séance royale du 23juin, l'entrée du public avait été interdite et le resta jusqu'au
27juin. L'article 15 de cette déclaration affirmait : " Le bon ordre, la décence et la liberté même des suffrages
exigent que Sa majesté défende, comme elle le fait expressément, qu'aucune autre personne que les
membres des trois ordres composant les états généraux, puisse assister à leurs délibérations, soit qu'ils les
prennent en commun ou séparément " » in J.-P. HEURTIN, op. cit., p. 21 ; v. H. CONIEZ, Écrire la démocratie.
De la publicité des débats parlementaires, Paris, Éd. Pepper-L'Harmattan, 2012, p. 64-65.
40. Archives parlementaires,1re
série, vol. VIII, p. 55 : « Des étrangers ! En est-il parmi nous ? L'honneur
que vous avec reçu d'eux lorsqu'ils vous ont fait nommer députés vous fait-il oublier qu'ils sont vos
frères et vos concitoyens ? N'ont-ils pas le plus grand intérêt à avoir les yeux fixés sur vous ? Oubliez-vous
que vous n'êtes que leurs représentants, leurs fondés de pouvoir ? et prétendez-vous vous soustraire à leurs
regards, quand vous leur devez un compte de toutes vos démarches, de toutes vos pensées ? Je ne puis
estimer quiconque cherche à se dérober dans les ténèbres ; le grand jour est fait pour la vérité, et je me
fais gloire de penser comme ce philosophe qui disait que toutes ses actions n'avaient rien de secret et qui
voudrait que sa maison fût de verre », cité par J.-P. HEURTIN, op. cit., Paris, PUF, 1999, p. 22.
41. Cité par J.-P. HEURTIN, OP. CIT., p. 22.
42. E. PIERRE, Traité de droitpolitique, électoral etparlementaire,3e
éd., Paris, Librairies-imprimeries
réunies, 1914, 1216 p.

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