Bibliothèque de finances publiques et fiscalité - Tome 78 - Recherche sur la transparence en droit des finances publiques - 17

INTRODUCTION GÉNÉRALE
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retrouvée15. En somme, la transparence s'accorderait avec le long processus de démocratisation
de nos sociétés, comme le symbolise la rénovation du Bundestag16.
2. Cet attrait pour la transparence est, d'autre part, contrebalancé par un
ensemble de discours qui expriment leurs craintes face à ces sociétés de la visibilité
de tout et de tous. D'une manière générale, le doyen CARBONNIER mettait en garde
contre l'édification d'une « notion consensus » qui perdrait ses propriétés en vue
d'une « réflexion féconde »17. Pour d'autres, la transparence serait une recherche de
la modernité vouée à l'échec18, dès lors qu'elle nierait l'ambivalence propre à notre
monde et l'incertitude inhérente à l'être humain. Elle ne serait qu'un mot neuf concomitant
d'une américanisation19 de nos sociétés20, une nouvelle entreprise de
moralisation21, soutenue par le modèle capitalistique et consumériste22, participant
d'une « société de contrôle »23
au sens des sociologues Antonio NEGRI et
Pompidou] traduit l'air du temps de son époque que Jean BAUDRILLARD apparentait au " simulacre " :
faire passer le faux pour plus vrai que le vrai. Jamais une tour en verre où siège une multinationale ne
révèlera ses secrets ! La transparence de façade ne sert qu'à mieux camoufler les agissements illicites que
la plupart des constructions recèlent » ; v. « Le MUCEM, ce joyau dont Marseille est l'écrin », La Provence,
29, août 2020 : l'architecte Rudy RICCIOTTI y exprime son aversion pour le recours au verre et à la transparence
en architecture. Le MUCEM est selon lui « le refus de la high tech, du consumérisme, de la mythification
de la transparence, ce dévoiement de la démocratie. C'est aussi le rejet de l'usage surabondant du
verre, de l'acier, de l'inox, de la brillance, qui symbolise l'architecture anglo-saxonne ».
15. Le juge de la Cour suprême des États-Unis, Louis BRANDEIS avait ainsi cette formule « La
lumière du soleil est le meilleur désinfectant » ; et le lanceur d'alerte Julian ASSANGE : « quand on allume
les projecteurs, les rats s'enfuient ».
16. D. LENOIR, D. GAUZIN-MÜLLER, « L'architecte, ambassadeur de la planète », Annales des
Mines - Responsabilité et environnement, 2018, nº 90, p. 23 : « L'architecte britannique Norman FOSTER
a su transformer l'austère enceinte du Reichstag (du XIXe
siècle) grâce à un puits de lumière, qui, venant du
sommet du dôme, éclaire jusqu'aux sièges du Parlement. [...] Tout en conservant l'essentiel de l'ancien
bâtiment du Reichstag,l'architecte a su lui donner une élégance et une transparence qui expriment parfaitement
la volonté démocratique des institutions fédérales ».
17. J. CARBONNIER, Flexible droit. Pour une sociologie du droit sans rigueur,10e
éd., Paris,
LGDJ, 2014, p. 316 : l'auteur évoque un climat « d'euphorie morale » dans lequel les discours sur la transparence
se propagent.
18. Z. BAUMAN, Modernity and Ambivalence, Cambridge, Polity Press, 1993, 285 p.
19. C. OSAKWE, Y. GAUDEMET, « L'Administration au grand jour/Deuxièmes journées juridiques
franco-américaines », Journées de la société de législation comparée, 1983, p. 9 et s.
20. L. COHEN-TANUGI, Le droit sans l'État : sur la démocratie en France et en Amérique,2e
éd.,
Paris, PUF, 2007, p. 226 et s. : la circulation de l'information et la transparence, de même qu'elles sont au
cœur du système économique américain, elles sont au cœur du système démocratique pluraliste américain.
A contrario, pour le professeur Jean LAVEISSIÈRE, « La France, comme la plupart des pays du Vieux
Continent, reconnaît à la confidentialité et au secret des vertus au moins aussi grandes qu'à la libre circulation
de l'information », in J. LAVEISSIÈRE, « Le pouvoir, ses archives et ses secrets », Rec. Dalloz Sirey,
1984, p. 64.
21. E. ALLOA, Y. CITTON, op. cit., p. 51 : « un principe qui aspire à la neutralité, tout en imposant
une moralité autant à la vie publique que privée ».
22. B.-C. HAN, « L'hypercapitalisme de la transparence », Multitudes, 2018, nº 73, p. 64 : « À New
York, le Flagship Store d'Apple représente, à tous les égards, le véritable temple de cet hypercapitalisme. Il
n'est constitué de rien d'autre que d'un cube de verre. À l'intérieur, le cube est vide et n'expose rien d'autre
que sa propre translucidité. C'est au sous-sol que se trouve le magasin à proprement parler. La transparence
s'est matérialisée ». L'auteur poursuit en comparant ce temple de verre avec la Kaaba de la Mecque, qui est
un cube noir auquel seuls les clercs ont accès ; p. 65 : « Mais cette transparence est elle-même une forme de
pouvoir qui prend aujourd'hui la forme d'un totalitarisme digital ».
23. A. NEGRI, M. HARDT, Empire, Paris, Exils, 2000, 559 p.
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