Bibliothèque de finances publiques et fiscalité - Tome 78 - Recherche sur la transparence en droit des finances publiques - 82

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RECHERCHE SUR LA TRANSPARENCE EN DROIT DES FINANCES PUBLIQUES
première et quantitativement principale, qu'est l'aerarium senalus (ou aerarium populi
romani), soit connue sous le nom d'aerarium saturni car ses fonds étaient déposés et
abrités au sein du Temple de Saturne21, figure à laquelle la tradition romaine voue un
culte divin ? N'était-il pas plus aisé pour un citoyen romain de se départir d'une part
de sa richesse au profit du mythique protecteur de Rome, qu'à ses représentants ponctuels
qu'étaient les sénateurs ? Certes cela demeure fiction, ou faux-semblant, mais participe
indéniablement d'une acceptation psychologique de l'impôt dont chacun sait combien
elle conditionne l'effectivité de l'institution.
167. Si ces deux théories présentent des différences notoires, un point les relie
inévitablement. L'impôt, dans la vision économiste, est le fait créateur de l'État nécessaire
à la gestion et à la défense des surplus et des populations qui contribuent de
force à l'enrichissement de la société. Dans l'approche sociologique, l'impôt procède
de l'État en tant qu'il est une offrande à la communauté qui se lie avec le sacré. Mais
plus important encore, dans les deux approches l'impôt trouve sa légitimité dans la
puissance dont il est une manifestation de l'existence et de l'effectivité. Tantôt que
l'impôt soit le fruit des hommes conquérants et vainqueurs, tantôt qu'il soit le fruit
du divin puissant et créateur, l'impôt est légitime parce que la puissance, profane ou
sacrée l'impose, dans le cadre de l'État. D'ailleurs, l'étymologie même du mot impôt,
impositum, qui signifie en latin « la chose imposée »22 confirme le lien avec la puissance,
qui est d'abord la pleine autonomie de décision et la capacité d'agir de façon
absolue sur ce qui l'entoure. Le propre même du pouvoir est « sa faculté d'imposer »
et l'impôt est « un outil de sa puissance »23.
168. Il est bien évident que dans ces sociétés marquées par un État procédant de
telles puissances et tirant la légitimité de son action dans de tels fondements, la transparence
de l'impôt demeure limitée. La place occupée par le Prince et l'exercice du pouvoir
largement conditionné à la personne même qui le détient, la fiscalité est entourée
d'une puissance toute particulière qui la confine à une sphère d'acteurs limités. La
connaissance des différentes impositions, la répartition de la contribution, l'utilisation,
finalement le caractère nécessaire et indispensable de celui-ci ne sont pas des données
diffusées et débattues. Car exiger la transparence, c'est d'une part remettre en question la
pleine et exclusive compétence du pouvoir sur la gestion des caisses de l'État ; c'est
d'autre part déjà émettre un doute sur le bon usage du produit de l'impôt par le pouvoir ;
c'est in fine remettre en cause la puissance comme capacité d'imposer. Indéniablement
cela s'apparente à une contestation de l'autorité du pouvoir, qui est parfois un pouvoir
conquérant, plus souvent une autorité religieuse, et fréquemment absolu.
169. Pourtant, au sens où est approché dans cette thèse le concept de transparence
il est permis de trouver quelques prémices de celle-ci dont la présence d'une
administration spécialisée constitue un indice particulier. La transparence est principalement
encouragée depuis le haut, par le Prince, à son administration pour évaluer le
rendement de l'impôt et les dépenses effectuées pour la grandeur de l'État. Ce
21. E. CHÉNON, Histoire générale du droitfrançais public et privé des origines à 1815, t. 1, Paris,
Sirey, 1926, 984 p. ; J. GAUDEMET, op. cit.,p. 30 : « Au IVe siècle, l'administration financière est devenue
considérable. Deux " ministres " ,le " comte de la fortune privée " (première mention en 342) et celui des
" largesses sacrées " (signalé pour la première fois en 345). Chacun d'eux dispose d'un nombreux personnel,
travaillant auprès de lui et réparti dans les provinces ».
22. H. MITTERAND, J DUBOIS, A. DAUZAT, Dictionnaire étymologique, Paris, Larousse, 2014,
894 p.
23. O. VALLET, L'État et le Politique, Paris, Flammarion, 1994, p. 22.

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