Bibliothèque des sciences criminelles - Tome 73 - Le cumul de sanctions - 73

L'UNITÉ DE PERSONNE SANCTIONNÉE, CONDITION D'EXISTENCE...
73
Si la Cour de cassation affirme de longue date que l'on ne peut être voleur et
receleur174, les raisons de cette interdiction pouvant être trouvées dans le fait que le
recel est un ancien mode de participation à l'infraction175, elle retient néanmoins
volontiers les qualifications de complicité de l'infraction principale et de recel. Pour
illustration, dans une espèce de 1965176, elle affirme qu'un même individu peut être
reconnu coupable de complicité de vol et de recel, au motifque « ces qualifications ne
sont pas exclusives l'une de l'autre » car elles « se rapportent à deux faits distincts
qu'aurait commis le demandeur, à deux dates différentes, l'un préalable au vol et
l'autre consécutifà ce vol »177. Dans cette hypothèse, les juges de cassation ne cumulent
pas deux modes de participation relativement à un fait unique ; au contraire, ils
tirent les conséquences de la commission de deux faits matériellement distincts -
organisation et préparation du vol caractérisant l'acte de complicité, détention de la
chose volée caractérisant le recel178 - et animés par des intentions différentes, ce dont
témoigne la rupture temporelle intervenue entre les deux agissements179. Ainsi, cet
arrêt ne déroge nullement à la règle : l'on ne peut cumuler les qualifications d'auteur,
de complice et de receleur sur la tête d'un même individu à propos d'un même fait, ou
autrement dit, un mêmefait ne peut être imputé à différents titres.
72. Conséquence de l'indifférence au regard de la peine : application de la
théorie de la peine justifiée - Le coauteur appréhendé par la théorie de la complicité
corespective n'encourait pas un cumul de sanctions180 à propos de ce même fait au
titre, d'une part, de sa participation en tant qu'auteur, et d'autre part, de sa participation
en tant que complice ; la même conséquence peut être tirée de l'application de la
théorie de la « coactivité corespective »181. En effet, en déduisant la qualité de complice
de celle de coauteur et inversement, le juge remplace la peine du deuxième par
celle du premier, mais il ne prononce pas deux déclarations de culpabilité, empêchant
ainsi la survenance d'un cumul des répressions. En effet, même si une erreur est commise
sur le mode de participation au titre duquel l'infraction a été imputée, la Cour de
cassation fait application de la théorie de la peine justifiée, ne recevant pas ce moyen
comme donnant lieu à cassation182.
174. V. infra, la jurisprudence citée sous la note nº 33.
175. V. supra, nº 60, 61, note nº 121.
176. Cass. crim., 18 novembre 1965, Bull. crim. nº 243 ; D. 1966. 248, note R. COMBALDIEU ;
Rev. sc. crim. 1966, p. 607 obs. LÉGAL.
177. C'est nous qui soulignons.
178. V. note R. COMBALDIEU, sous Cass. crim., 18 novembre 1965, Bull. crim. nº 243 ; D. 1966.
248.
179. Cette décision illustre l'autonomie de la qualification de complicité, matérialisée par des faits et
intentions distincts de ceux de l'infraction principale ; le caractère distinct des infractions et des modes de
participation fait obstacle au cumul des qualifications. En outre, sous l'empire de l'ancien Code pénal prévoyant
le non-cumul des peines, le délinquant n'encourt pas un cumul. Il aurait pu en être autrement s'il
avait été jugé sous l'empire du Code pénal de 1992, puisque le cumul des peines est la règle en droit positif,
sauf lorsque sont encourues des peines de même nature au sein d'une poursuite unique, v. les art. 132-3 et
132-4 C. pén.
180. Excepté un cumul entre peines principales et peines complémentaires, mais en application d'une
seule norme de répression, correspondant à une seule norme d'incrimination.
181. V. supra, nº 69.
182. Par ex. v. Cass. crim., 7 mars 1972, nº 71-92.719, Bull. crim. nº 84 : « Lorsqu'un arrêt a déclaré
à tort coauteur d'une infraction un individu qui n'en était que complice, l'erreur relevée par la Cour de
cassation ne saurait donner ouverture à cassation, la peine et les réparations civiles étant justifiées. En
effet [...] l'article 59 du Code pénal édicte que les complices sont punis de la même peine que les auteurs
même de ce délit [...] ».
Bibliothèque des sciences criminelles - Tome 73 - Le cumul de sanctions

Table des matières de la publication Bibliothèque des sciences criminelles - Tome 73 - Le cumul de sanctions
