Bibliothèque des sciences criminelles - Tome 74 - La pluralité de victimes en droit pénal - 78

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LA PLURALITÉ DE VICTIMES EN DROIT PÉNAL
victime a été atteinte. À l'inverse, il invite apriori96 à retenir des infractions multiples
si la propriété de plusieurs personnes a été respectivement atteinte par le même fait car
il y a alors plusieurs biens juridiques concrètement lésés.
119. Distinction du bien juridique concret et du résultat juridique. Ne se
confondant pas avec le résultat matériel, le bien juridique concret se distingue également
du résultat juridique dès lors qu'en réalité, il ne suppose pas de déterminer s'il a
été ou non atteint. Le résultat juridique exige en effet une atteinte effective à la valeur
protégée alors que le bien juridique concret existe indépendamment d'elle. Ainsi, dans
l'hypothèse dans laquelle un poison a été intentionnellement administré à plusieurs
personnes sans qu'elles ne décèdent, il existe autant de biens juridiques concrets que
de vies menacées mais aucun résultat juridique n'est caractérisé dès lors qu'aucune
vie n'a été atteinte. Le critère du bien juridique concret permettrait alors de retenir
autant d'empoisonnements97 que de personnes dont la vie a été mise en danger et
autorise, ce faisant, le cumul d'infractions formelles.
120. Nombre de biens juridiques concrets en cas de pluralité de victimes
atteintes et mises en danger. La solution n'est d'ailleurs pas différente si certaines
des victimes à qui le poison a été administré décèdent. Que la vie de certaines des
victimes ait été atteinte et celle des autres seulement mises en danger ne modifie pas
le nombre de biens juridiques concrets concernés par l'infraction dès lors que le bien
juridique concret est indifférent à la question de savoir s'il a été atteint ou non. Quel
que soit ainsi le nombre de victimes qui décèdent en raison du poison qui leur a été
administré intentionnellement, il y aurait toujours autant d'empoisonnements98 que de
personnes dont la vie a été atteinte ou mise en danger par un fait unique si le bien
juridique concret était érigé en critère de multiplication des infractions commises par
un même fait.
121. Nombre de biens juridiques concrets et choix de la qualification. Ce
dernier exemple révèle en outre que le bien juridique concret permet de déterminer
le nombre d'infractions commises par un même fait mais, parce qu'il est indifférent
à la question de savoir s'il a été atteint ou non, le bien juridique concret n'a pas d'influence
sur le choix de la qualification, celui-ci demeurant alors soumis aux règles
classiquement identifiées en la matière. Pour reprendre le même exemple que le précédent,
l'administration intentionnelle d'un poison à plusieurs personnes par un fait
unique peut ainsi donner lieu à autant d'empoisonnements que de victimes et ce,
qu'elles soient décédées ou non dès lors que l'empoisonnement est une qualification
spéciale par rapport au meurtre indépendamment de la survenance du résultat légal de
ce dernier. En revanche, lorsqu'un individu souhaite par exemple causer la mort de
plusieurs personnes en dirigeant sur elles son véhicule et qu'il y parvient pour certaines
d'entre elles mais manque les autres, autant d'infractions que de victimes dont la
vie a ainsi été concrètement atteinte ou mise en danger peuvent être énumérées, à
savoir autant de meurtres que de victimes décédées et autant de tentatives de meurtre
que de victimes manquées.
96. Sur la question du cumul des infractions contre les biens dont la pertinence mérite de plus amples
développements, v. infra, nº 127 et s.
97. C. pén., art. 221-5.
98. C. pén., art. 221-5.

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