Bibliothèque des sciences criminelles - Tome 75 - Le droit pénal des affaires à l’aune de la défaillance économique - 358

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LE DROIT PÉNAL DES AFFAIRES À L'AUNE DE LA DÉFAILLANCE ÉCONOMIQUE
sanction dissuasive, l'enjeu n'est autre que « la crédibilité de l'existence d'un droit
des activités économiques digne de ce nom »162.Il s'agit de mettre en exergue la fonction
expressive163 de la règle pénale, c'est-à-dire « une écriture d'autorité » pour exercer
une « contrainte psychologique dans l'individu »164. Le courant utilitariste165,avec
en chefs de file des auteurs tels que Beccaria ou Bentham, ont soutenu, dès le XVIIIe
siècle,
cet antagonisme consistant en l'effet préventifdes sanctions pénales, en leur caractère
dissuasif166, pour les primodélinquants dans un premier temps, puis pour les récidivistes
dont les peines sont aggravées167. La menace d'une sanction forte et l'appréciation du
rapport gain envisageable/risque pénal168
par le délinquant sont susceptibles de le
conduire à abandonner ses projets criminels et ceci, non pas en considération d'une
approche purement éthique, mais par rapport à la réprobation sociale engendrée169.
uniquement au droit pénal immobilier, toutefois, par analogie, elle se trouve tout à fait applicable au droit pénal
des affaires dans son ensemble.
162. B. SAINTOURENS, « Propos introductifs » in Dépénalisation, régulation et renouvellement
des sanctions en droit comparé des affaires (dir. B. SAINTOURENS), Litec, 2009, p. XI.
163. Supra nº 34 et s.
164. S. TZITZIS, Les grandes questions de la philosophie pénale, Buenos Books International, 2007,
p. 17.
165. R. GARRAUD, Précis de droit criminel, Sirey, 1921, p. 17.
166. E. GILARDEAU, Al'aube du droit pénal utilitaire,L'Harmattan, collection Questions contemporaines,
2011, p. 11 et s. : Kant s'est opposé fermement aux théories utilitaristes en refusant l'approche
dissuasive du droit pénal par ses partisans. Il considère en effet que le droit pénal doit être envisagé
comme une loi « morale » et éthique qui ne doit s'articuler qu'autour de la conscience et de la responsabilité
morale du délinquant, sans tenir compte des aspects pragmatiques invoqués par les utilitaristes, tels que le
rapport coût/profit de l'infraction. On pourrait ainsi parler d'une approche répressive stricto sensu du droit
pénal ; S. HARNAYet A. MARCIANO, RichardA. Posner. L'analyse économique du droit, Michalon, collection
Le bien commun, 2003, p. 76 : Richard Posner critique l'utilitarisme en ce qu'il pourrait conduire à
une violation des droits individuels et pourrait justifier des mesures totalitaristes.
167. X. BEBIN, Pourquoi punir ? L'approche utilitariste de la sanction pénale,L'Harmattan, collection
Logiques politiques, 2006, 2006, p. 26 : « Nombreux sont ceux, en effet, qui considèrent que l'utilitarisme
pénal est le domaine d'application le plus convaincant de l'utilitarisme en général. Son postulat
fondamental, selon lequel il n'est justifié d'imposer le mal que constitue la sanction pénale que si cela
permet de prévenir une plus grande quantité de souffrances, a longtemps paru plus séduisant que les théories
rétributives, dérivées de la loi du talion, selon lesquelles punir un coupable est un bien en soi, même si
aucune conséquence positive n'en résulte. » ; J. LARGUIER, P. CONTE, et P. MAISTRE DU CHAMBON,
Droit pénal général, Dalloz, collection Mementos, 23e
éd., 2018, p. 4 : les auteurs ont une formule très
explicite pour résumer l'objet des thèses utilitaristes : « L'objet essentiel de la sanction est d'éviter les crimes
préventifs. C'est l'idée de prévention. ». Ils citent également Bentham : « La peine doit se faire craindre
plus que le plaisir désirer » ; B. BOULOC, Droitpénal général, Dalloz, collection Précis, 26e
éd., 2019,
p. 22 : L'auteur ne vise pas expressément la thèse utilitariste mais expose « le but utilitaire » de la législation
pénale ; X. PIN, op. cit.,p. 4 : l'auteur évoque certaines limites à la manifestation de la fonction préventive
du droit pénal, faisant notamment référence aux mesures de sûretés qu'il commente ainsi : « Dans
ces hypothèses, le droitpénal ne sanctionne plus àproprementparler une transgression, il se veutpréventif
et risque paradoxalement d'être perçu comme plus oppressifque répressif».
168. G. DUTEIL, « Table ronde - La place du droit pénal en droit des affaires » in Droit pénal : le
temps des réformes (dir. V. MALABAT, B. DELAMY, et M. GIACOPELLI), LexisNexis, 2011, p. 66 :
l'auteur, économiste, présente une équation traduisant la rationalité du délinquant d'affaires : « E(Gains)
>> Rp*p », c'est-à-dire que l'espérance de gains doit être supérieure au produit du risque pénal encouru
et de la probabilité d'être interpellé pour la commission de l'infraction. ; M. LEROY, « Observations
conclusives : trois leçons de sociologie fiscale », LPA, 12 avril 2007, nº 74, p. 77.
169. M. CUSSON, « L'effet intimidant des sanctions à la lumière des recherches récentes sur le calcul
coûts-bénéfices des délinquants » in Le droitpénal à l'aube du troisième millénaire : Mélanges offerts à
Jean Pradel, Cujas, 2006, p. 741 ; B. BOULOC, « La dépénalisation dans le droit pénal des affaires », D.,
2003, nº 36, p. 2492 : « Par la sanction édictée, comprenant au moins l'amende mais aussi l'emprisonnement,
sans préjudice des peines complémentaires, il espère qu'un très grand nombre d'individus, impressionnés
par les sanctions, se soumettront à la loi ».
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