Bibliothèque de droit de l'urbanisme et de l'environnement - Tome 24 - L’entreprise et la lutte contre le changement climatique - 109

LA PRÉVENTION DES RISQUES DE CHANGEMENT CLIMATIQUE
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produits ou sur son activité est astreinte à une « obligation de vérité »62. Cette décision
est restée dans l'histoire comme la plus emblématique de la RSE63.
Pour les juristes français, le fondement juridique sans doute le plus évident est
celui de l'engagement unilatéral de volonté. Aux termes de l'article 1100-1 du Code
civil, tel qu'il résulte de l'ordonnance du 10 février 2016, les actes juridiques sont
« des manifestations de volonté destinées à produire des effets de droit », la disposition
précisant qu'ils peuvent être unilatéraux. Si la doctrine exprime des positions
divergentes sur la question, la jurisprudence récente de la Cour de cassation tend à
confirmer l'admission de l'engagement unilatéral de volonté comme source d'obligation.
Ainsi, dans un arrêt du 12 décembre 201864, la Cour de cassation se réfère explicitement
à « l'existence d'un engagement unilatéral » alors même qu'en l'espèce, le
recours à la notion d'engagement unilatéral n'était pas indispensable pour parvenir au
résultat recherché par la Cour de cassation65. Au demeurant, même avant la réforme,
certains arrêts de la Cour de cassation avaient déjà admis l'existence d'engagements
unilatéraux de volonté en dehors de toute obligation naturelle. Ce fut le cas notamment
d'un arrêt du 23janvier 200766.En l'espèce, un engagement unilatéral avait été
souscrit dans le cadre d'un protocole transactionnel. Les parties avaient pris soin de
préciser que cet engagement était exclusivement moral. Cependant, la Cour de cassation
a considéré que, peu importe cette qualification, et malgré l'apparence d'absence
de valeur contraignante de l'engagement, les termes précis et fermes de celui-ci
devaient conduire les juges à lui reconnaître une force juridique contraignante.
Même si cette décision n'a pas été rendue en matière de non-respect d'un engagement
de RSE, elle attire notre attention car elle démontre jusqu'où peuvent aller les juges
dans l'exercice de leur pouvoir souverain d'appréciation. Les Professeurs Jacques
Mestre et Bertrand Fages ont, avec beaucoup de finesse, développé l'observation suivante
: « s'il fallait déceler une nouvelle manifestation de la volonté de nos juges de
62. F.-G. Trébulle, « Responsabilité sociale des entreprises et liberté d'expression. Considérations à
partir de l'arrêt Nike v/ Kasky », Revue des sociétés, 2004, p. 261.
63. Par ailleurs, dans leurs opinions dissidentes, certains juges ont exprimé la crainte que cette décision
ait un « effet de glaciation » sur la communication sociale et environnementale des entreprises. Ils ont
relevé que la possible mise en cause des sociétés sur ce fondement pourrait conduire certaines d'entre elles
à censurer leurs propos, en faisant preuve d'une prudence excessive.
64. Cass. com., 12 décembre 2018, nº 17-22268, RTD civ., 2019, p. 312, obs. H. Barbier. En l'espèce,
une société exploitant un institut de beauté avait commandé à un grossiste en produits et matériels esthétiques,
notamment, deux appareils photo dépilation contenant 30 000 flashs chacun. Un mois après la commande
et quinze jours après sa livraison principale, le prestataire a fait un geste commercial proposant au
client 30 000 flashs supplémentaires, lesquels n'ont néanmoins jamais été livrés. L'institut de beauté a alors
assigné le grossiste en paiement de dommages-intérêts. Débouté par les juges du fond aux motifs que ce
geste commercial consenti un mois après la formation du contrat et quinze jours après la livraison du matériel
principal ne pouvait être considéré comme une composante du contrat, l'institut triomphe devant la
Cour de cassation, laquelle censure l'arrêt, au visa des articles 1134 et 1147 du Code civil, affirmant
«qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à exclure l'existence d'un engagement unilatéral de
la société Beauty Tech, postérieur à la commande, qui l'aurait obligée envers la société Plaisirimmo, la cour
d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ».
65. Comme l'observe un auteur, le geste commercial intervenu lors d'un contrat en cours aurait pu
être qualifié plus simplement d'avenant au contrat, voire de contrat à part entière sous forme d'offre dans
l'intérêt exclusif de son destinataire dont le silence valait alors acceptation : H. Barbier, « Le statut juridique
du geste commercial », RTD civ., 2019, p. 312.
66. Cass. com., 23janvier 2007, nº 05-13189, RTD civ., 2007, p. 340, obs. J. Mestre et B. Fages ; voy.
également : Cass. 3e civ., 12 février 2013, nº 11-21314, RDC, 2013, p. 865, obs. Th. Genicon. En l'espèce,
le geste du dirigeant, dont la société a commis une erreur de construction, s'engageant à réparer cette erreur
à ses frais, a été analysé comme un engagement unilatéral de volonté.

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