Bibliothèque de droit international et de l'Union européenne - Tome 139 - La dénonciation et la renégociation des traités - 100

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LA DÉNONCIATION ET LA RENÉGOCIATION DES TRAITÉS
224. Achmea c. République slovaque142. Dans cette affaire, un investisseur
néerlandais a intenté en 2008 - avant l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne en
2009 - un arbitrage contre la Slovaquie sur la base d'un TBI conclu entre les PaysBas
et la Slovaquie en 1991. Parmi ses arguments, la Slovaquie a soutenu l'inapplicabilité
du TBI dans le cadre du droit de l'UE et a invoqué que le TBI avait pris fin
conformément aux articles 30 et 59 de la CVDT. Étant donné que le siège de l'arbitrage
était Francfort (en Allemagne), la Slovaquie a saisi la Cour fédérale allemande
qui, à son tour, a saisi la CJUE par le mécanisme du renvoi préjudiciel. La CJUE143 a
donc été saisie pour apprécier la comptabilité du recours à l'arbitrage international par
le biais du mécanisme du règlement des différends entre investisseur et État (RDIE,
mieux connu sous l'abréviation anglaise « ISDS ») contenu dans les clauses de TBIs
intra-UE (l'article 8 du TBI en question) avec les articles 18, 267 et 344 du TFUE144.
Nous examinerons l'incompatibilité invoquée sur le fondement des deux derniers
articles.
225. Contrairement aux tribunaux arbitraux145, la CJUE a conclu que les articles
18, 267 et 344 du TFUE et le mécanisme d'arbitrage prévu à l'article 8 du TBI
concerné étaient incompatibles, affirmant ainsi la suprématie et l'autonomie du droit
de l'UE146. Il convient de noter que la question préjudicielle ne concernait que le TBI
invoqué147 ; la décision ne portait donc pas sur la compatibilité de la Charte de
142. Achmea BV (anciennement Eureko BV) c. République slovaque, CNUDCI, CPA, Affaire
nº 2008-13, sentence, 26 octobre 2010.
143. CJUE, Affaire C-284/1 6, République slovaque c. Achmea BV, 6 mars 2018. Voir l'analyse de
cette affaire dans le Titre II de la Partie II.
144. L'article 18 porte sur la non-discrimination basée sur la nationalité. L'article 267 (mécanisme de
renvoi préjudiciel) du TFUE prévoit, quant à lui, que « la Cour de justice de l'Union européenne est compétente
pour statuer, à titre préjudiciel : a) sur l'interprétation des traités, b) sur la validité et l'interprétation
des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l'Union. Lorsqu'une telle question est soulevée
devant une juridiction d'un des États membres, cette juridiction peut, si elle estime qu'une décision sur ce
point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de statuer sur cette question. Lorsqu'une
telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne
sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour.
Si une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale concernant une
personne détenue, la Cour statue dans les plus brefs délais ». L'article 344 du TFUE (exclusivité de la compétence
de la Cour de justice pour régler les différends relatifs à l'application ou l'interprétation du droit de
l'UE) prévoit que « les États membres s'engagent à ne pas soumettre un différend relatif à l'interprétation
ou à l'application des traités [européens] à un mode de règlement autre que ceux prévus par ceux-ci ».
145. À l'exception des opinions dissidentes de M. Kohen dans les affaires Adamakopoulos et al.
c. Chypres (Affaire CIRDI nºARB/15/49), opinion dissidente de M. Kohen, 7février 2020, et WCVet Channel
Crossings c. République tchèque, Affaire CPA nº 2016-12, opinion dissidente de M. Kohen, 29 septembre
2020.
146. CJUE, République slovaque c. Achmea, préc., §§ 32-37 et 62. Nous notons que l'analyse du
raisonnement juridique de la Cour, les justifications avancées à cet égard et leurs répercussions sur le
droit des investissements dépasse le cadre de cette étude.
147. « Par ailleurs, cette décision est d'une portée assez limitée. D'abord, elle exclut expressément
l'arbitrage commercial (§§ 44 et 45 de l'arrêt). Ensuite, elle ne concerne pas l'arbitrage CIRDI, qui obéit à
une convention distincte (...) aux termes de laquelle, les États membres sont obligés de reconnaître une
sentence CIRDI directement sans aucun contrôle, comme une décision de leurs propres tribunaux rendue
en dernier recours. 7. Elle ne concerne donc que les procédures d'arbitrage intra-EU autres que CIRDI sur
le fondement de TBI intra-EU. Elle est aussi spécifique au traité concerné, à savoir le traité entre la République
Slovaque et les Pays-Bas. Si la question posée par la Cour fédérale allemande était de portée générale,
la réponse apportée par la Cour de justice de l'Union européenne est en revanche circonscrite au traité
concerné, à la fois dans le raisonnement et dans la réponse elle-même ». P. Pinsolle et I. Michou, « Arbitrage
: L'arrêt Achmea la fin des traités d'investissement intra-UE ? », Dalloz actualité, 7 mars 2018, §§ 6-7.

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