Bibliothèque de droit international et de l'Union européenne - Tome 139 - La dénonciation et la renégociation des traités - 168

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LA DÉNONCIATION ET LA RENÉGOCIATION DES TRAITÉS
416. Comme en droit international d'investissement, les accords internationaux
en matière fiscale comptent des milliers de traités bilatéraux. Face à un nombre considérable
de traités, la renégociation classique, soit un par un, serait invraisemblable,
complexe, et extrêmement coûteuse138. Ainsi, afin de surmonter ces obstacles et
d'harmoniser certaines dispositions à travers un réseau aussi important, des solutions
novatrices s'imposent. La Convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures
relatives aux conventions fiscales pour prévenir l'érosion de la base d'imposition
et le transfert de bénéfices (BEPS) adoptée en 2016139 en offre un exemple. En effet,
cette Convention reconnaît « la nécessité de créer un mécanisme efficace pour mettre
en œuvre les modifications adoptées, de façon synchronisée et efficiente, dans l'ensemble
du réseau de conventions existantes conclues en vue d'éviter la double imposition
en matière de revenu, et ce, sans renégocier chacune de ces conventions au
niveau bilatéral »140. La Convention BEPS se rapproche à cet égard de la Convention
des Nations Unies sur la transparence dans l'arbitrage entre investisseurs et États
fondé sur des traités (dite la Convention de l'île Maurice), adoptée en décembre 2014.
Les deux conventions partagent beaucoup de similarité dont le fait d'être un instrument
unique qui permet la modification desdits traités à travers des mécanismes de
souplesse offrant aux États le choix du mode de révision qui leur conviendrait le
mieux141. Par conséquent, les conventions BEPS et de l'île Maurice co-existent avec
les traités bilatéraux ou plurilatéraux qu'elles visent respectivement. Force toutefois
est de noter que le succès de ce modèle est dû, non seulement aux mécanismes de
souplesse qu'il offre, mais aussi au champ d'application délimité de ces
conventions142 esquivant les dispositions controversées143. Cela dit, malgré la flexibilité
et la spécificité du champ d'application, ce modèle montre ses limites. En effet,
de nombreux États ont, soit opté pour les dispositions alternatives ou émis beaucoup
de réserves conformément à la Convention BEPS limitant ainsi les traités concernés
ou les changements apportés, soit n'ont pas ratifié la Convention de l'île Maurice. On
en déduit donc qu'une réforme à une plus grande échelle telle que celle escomptée
pour les protections substantielles des traités en matière d'investissement ne serait
peut-être pas envisageable par ce biais144.
417. Par ailleurs, la renégociation des traités en vertu d'initiatives et d'accords
subséquents s'est également illustrée dans plusieurs domaines. Nous en ferons brièvement
mention de quelques exemples. En matière de sécurité sociale, nous nous reportons
à plusieurs conventions bilatérales de la France qui ont fait l'objet de renégociation
dans la période entre les années 2000 et 2010. Nous citons notamment les
138. Pour une lecture approfondie sur le recours à la technologie et l'intelligence artificielle pour
identifier, prioritiser, et faciliter les renégociations, notamment des accords en matière d'investissement,
mais aussi l'optimisation des ressources mises en place pour les renégociations des traités, voir
W. Alschner, Investment Arbitration and State Driven Reform, Oxford, 2022, pp. 245-268.
139. La Convention est entrée en vigueur le 1er
juillet 2018.
140. Voir le préambule et les articles 1 et 2 de cette Convention.
141. Entre autres, liste positive ou négative (connue sous la terminologie anglaise, opt-in et opt-out
respectivement), des dispositions alternatives, réserves, clause de compatibilité, etc.
142. La Convention BEPS portant sur l'évitement de l'érosion de la base d'imposition et celle de l'île
Maurice sur la transparence des procédures d'arbitrage investisseur-État.
143. Voir N. Bravo, « The Mauritius Convention on Transparency and the Multilateral Tax Instrument
: Models for the Modification of Treaties ? », Transnational Corporations Journal, 2018,
pp. 100-106.
144. Ibid., pp. 102-104.

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